Elle est partie. Enfin. Le relais de la flamme olympique des Jeux de Tokyo s’est élancé ce jeudi 25 mars, en début de matinée, depuis les terrains de football du J-Village, un centre national d’entraînement situé dans la province de Fukushima. Le coup d’envoi a été donné à l’heure. Le timing a été précis, la cérémonie réglée comme une mécanique de précision.
L’histoire retiendra que le flambeau a d’abord été tenu par un homme, Norio Sasaki, 62 ans, l’entraîneur de l’équipe féminine japonaise de football sacrée championne du monde en 2011, l’année du tsunami et de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Une quinzaine de joueuses de l’équipe de l’époque comptent parmi les relayeurs de cette première journée. Mais Homare Sawa, la capitaine des championnes du monde, n’en sera pas. Elle a annoncé son forfait la veille du lancement, citant des raisons médicales.
Avec le temps, l’histoire finira sans doute par oublier que les premiers relais ont été effectués sans le moindre spectateur. Ils n’étaient pas autorisés à assister à la scène. Ils ont manqué à l’ambiance, mais la flamme a su malgré tout apporter une pincée d’émotion. En passant de main en main, elle a montré que l’impossible serait peut-être finalement surmonté, dans tout juste 120 jours, dans la capitale japonaise.
Seiko Hashimoto, la présidente du comité d’organisation, ne s’y est pas trompée. « Cette petite flamme n’a jamais perdu espoir et a attendu ce jour comme un bourgeon de cerisier sur le point de fleurir, a-t-elle suggéré pendant son discours au J-Village. Elle a continué à brûler discrètement, mais avec force, alors que le monde traversait des moments difficiles au cours de l’année écoulée. Elle embarquera pour un voyage de 121 jours où elle portera les espoirs du peuple japonais et les souhaits de paix des peuples du monde entier. »
Le flambeau olympique doit traverser 859 municipalités, dans les 47 préfectures du Japon, tout au long de son périple de 121 jours. Il passera entre les mains d’environ 10.000 relayeurs, chacun parcourant au petit trot 200 mètres en moyenne.
Avant d’avoir le privilège de tenir le flambeau, les participants au relais devront s’astreindre à deux semaines de « jeûne » social. Il leur est demandé de ne pas déjeuner ou dîner avec des amis. Ils doivent également tenir un carnet de santé où indiquer jour après jour leur état et leur température.
Au cours des derniers mois, le casting du feuilleton a été allégé de quelques poids lourds, censés lui apporter un vernis plus clinquant. Les célébrités japonaises, artistiques ou sportives, ont été nombreuses à se retirer du spectacle. Certaines ont très diplomatiquement évoqué des contraintes d’emploi du temps. Mais plusieurs d’entre elles n’ont pas caché la vraie raison de leur défection : une volonté de prendre de la distance avec un événement marqué par une envolée budgétaire et un environnement sexiste.
Dans le monde d’avant, le relais de la flamme olympique aurait été célébré comme une étape symbolique sur la route des Jeux. Le monde entier aurait observé ses premiers pas d’un regard curieux. Puis il serait passé à autre chose, avant de retrouver la flamme dans les rues de Tokyo, puis plus encore à son entrée dans le stade olympique.
Mais la crise sanitaire et son évolution, toujours incertaine, donnent au parcours du flambeau une dimension nouvelle. Il devient un test. Une épreuve cruciale, à réussir par tous les moyens. Un test pour le comité d’organisation de sa capacité à gérer un événement public (les spectateurs seront autorisés sur l’essentiel du parcours dans le respect des mesures sanitaires) en toute sécurité. Un test, aussi, de l’attractivité de l’événement olympique et paralympique pour un public japonais toujours majoritairement opposé à sa tenue au cours de l’été prochain.
Preuve de l’importance de la réussite du relais de la flamme : la direction des opérations est désormais confiée à Toshiro Muto, le directeur général du comité d’organisation. Elle est montée d’un cran.
Avant le début de la crise sanitaire, le parcours du flambeau devait présenter au reste de la planète l’image d’un Japon ayant réussi à se reconstruire après la catastrophe de Fukushima. Aujourd’hui, la cible a été nettement agrandie : prouver que le monde peut se relever la pandémie.