Cruel hasard du calendrier. A 100 jours pile de l’ouverture des Jeux de Tokyo, ce mercredi 14 avril, le relais de la flamme olympique a été détourné de sa route prévue, dans la préfecture d’Osaka. Il aurait dû emprunter les rues principales de la ville. Mais à la demande des autorités locales, les relayeurs ont été déroutés vers un parc public, dans une commune voisine, où les spectateurs ont été interdits d’entrée.
Le relais de la flamme était censé réveiller l’enthousiasme du public japonais pour la cause olympique. A 100 jours de l’ouverture, il ravive surtout sa défiance à l’égard des Jeux, et sa crainte de voir l’événement transformer la capitale en un nouveau cluster de la pandémie de COVID-19.
Huit ans en arrière, au moment du vote pour la ville hôte des Jeux de 2020, le CIO avait désigné Tokyo en vantant la stabilité et la sécurité que garantissaient le Japon et sa capitale. A un peu plus de trois mois de l’ouverture, les Jeux sont enveloppés d’une telle chape d’incertitude qu’il reste difficile d’en parler sans abuser du mode conditionnel.
Malgré les propos éternellement optimistes du CIO, les questions continuent de se bousculer. Mais les réponses tardent. Et, avec elles, le mystère concernant le déroulement pratique d’un événement qui, tous les participants en ont pris leur parti, ne ressemblera à rien de connu.
La crise sanitaire
Au Japon comme ailleurs, les indicateurs restent bloqués dans le rouge. Le Japon a enregistré plus de 513.000 cas de COVID-19 depuis le début de la pandémie, dont 9.500 décès. Ces chiffres s’avèrent inférieurs à ceux de la plupart des nations les plus riches de la planète. Mais Tokyo, avec plus de 126.000 cas, mène largement le train des villes japonaises les plus touchées par la pandémie.
La campagne de vaccination a débuté tardivement au Japon. Elle concerne actuellement seulement les Japonais âgés de 65 ans et plus, soit environ 36 millions de personnes. Au stade où avance la campagne, il semble quasi impossible que les volontaires, recrutés par le comité d’organisation et par les autorités locales, puissent être vaccinés avant le début des Jeux. Même chose pour les futurs spectateurs.
A Tokyo, les experts ne font pas mystère de leurs craintes de voir une nouvelle explosion du nombre de cas, avant les Jeux, et plus encore lorsque les athlètes, encadrants, officiels et médias venus de 205 pays poseront le pied au Japon.
Commentaire de Hidemasa Nakamura, l’un des responsables de la logistique au comité d’organisation : « La situation est en constante évolution. Il est très difficile de poursuivre les préparatifs sans savoir où nous en serons de la pandémie dans les semaines à venir. »
Le public
La décision a été prise, douloureuse mais inévitable : les spectateurs étrangers ne seront pas admis aux Jeux. Mais qu’en sera-t-il des Japonais et des résidents au Japon ? Le CIO et le comité d’organisation ont annoncé pour la fin du mois d’avril une décision quant à la jauge de spectateurs sur les sites de compétition.
Une nouvelle fois, les deux parties devront décider sans avoir toutes les cartes en main. Ils devront trancher la question sans savoir où en sera la situation sanitaire au moment des Jeux.
En visant trop haut, les organisateurs s’exposent au risque d’une flambée des infections. En voyant trop bas, ils réduiront encore leurs recettes en billetterie et se rapprocheraient d’un huis clos dont personne ne veut entendre parler.
Seule certitude : les Japonais ne se bousculeront pas pour récupérer les billets abandonnés par les étrangers. Selon le dernier sondage, moins d’un quart des Japonais souhaitent que les Jeux se tiennent aux dates prévues. Les autres veulent une annulation ou un nouveau report, craignant plus que tout le risque sanitaire. Dans un tel contexte, il est difficile d’imaginer le public japonais courir au stade comme aux plus beaux jours.
La chaleur
Longtemps en bonne place parmi les sujets olympiques, au point d’inciter le CIO à imposer une délocalisation à Sapporo du marathon et des épreuves de marche, la chaleur a reculé dans l’ordre des préoccupations depuis le début de la pandémie. Mais elle reste un réel danger. Elle pourrait même semer le désordre dans le plan anti-COVID élaboré par les organisateurs.
Interrogé par Reuters, Hidemasa Nakamura estime qu’il sera délicat « de trouver l’équilibre entre lutter contre les effets de la chaleur et appliquer les mesures contre le coronavirus. » Difficile, en effet, d’imposer le port du masque à un spectateur proche de l’insolation pour avoir fait la queue sous le soleil à l’entrée d’un site de compétition.
Autre casse-tête, relevé par les experts japonais : les symptômes de l’épuisement par la chaleur peuvent être similaires à ceux du coronavirus.
Dans les deux cas, les Jeux exigeront le déploiement d’un important personnel médical ou para-médical, sur les sites olympiques, mais aussi au village des athlètes et dans les centres de soins prévus dans le dispositif olympique. Mais la crise sanitaire mobilise actuellement l’essentiel des troupes. Où trouver les soignants à mobiliser sur les Jeux ? Une autre question sans réponse.