Mauvais signe. A moins de 100 jours de l’ouverture, la question de la tenue des Jeux de Tokyo occupe le terrain politique au Japon. Elle alimente le débat entre majorité et opposition. Avec une menace soigneusement écartée depuis des mois par le CIO et le comité d’organisation : l’annulation.
Toshihiro Nikai, le no 2 et secrétaire général du Parti libéral-démocrate, actuellement au pouvoir au Japon, a entrouvert jeudi 15 janvier une porte que le mouvement olympique préférerait voir bouclée à double tour. Il a suggéré à l’occasion d’une interview sur la chaîne de télévision TBS que les Jeux de Tokyo pourraient être rayés du paysage s’ils constituaient une menace sérieuse sur la situation sanitaire.
« S’il semble impossible de présenter les Jeux olympiques, alors il faudra de toute évidence les annuler, a expliqué Toshihiro Nikai. Si nous devons observer une recrudescence du nombre de cas de coronavirus en raison des JO, alors l’évènement n’a pas lieu d’être. »
Interrogé très directement par TBS sur la possibilité que les Jeux soient purement et simplement annulés, le dirigeant politique japonais a répondu sans langue de bois : « Bien sûr ».
Sur le fond, les propos de Toshihiro Nikai n’ont rien de très inattendu. Le n°2 du Parti libéral-démocrate exprime seulement tout haut une opinion partagée par beaucoup : le danger d’organiser un événement de cette taille, réunissant la planète entière dans un périmètre réduit, au moment où la pandémie mondiale connait une nouvelle poussée de fièvre.
Mais la forme, et plus encore le timing, laissent perplexe. Les analystes japonais l’ont relevé : il est rare d’entendre une personnalité politique de la majorité évoquer sur une chaîne de télévision la possibilité d’annuler les Jeux. Toshihiro Nikai l’a fait au lendemain de la date de J – 100 avant l’ouverture. Il a brandi l’option d’un annulation quelques heures seulement après que le vice-président du CIO, John Coates, ait assuré à l’occasion d’un point presse en mode virtuel que les Jeux de Tokyo se dérouleraient sans le moindre doute.
Hasard ou pas, une autre personnalité de la majorité s’est risquée le même jour à évoquer les Jeux de Tokyo et leurs risques sanitaires. Taro Kono, le ministre japonais en charge de la campagne de vaccination au niveau national, a posé sur la table des discussions une autre option, manipulée avec dégoût par le CIO et le comité d’organisation : le huis clos.
« L’enjeu, aujourd’hui, est de déterminer comment les Jeux olympiques pourront être organisés dans les circonstances actuelles, a expliqué Taro Kono à l’occasion d’une interview à la télévision. Cela peut signifier l’absence totale de spectateurs dans les tribunes. »
Les deux hommes ont ouvert une brèche. Sans surprise, l’opposition s’y est engouffré sans retenir ses gestes. Jun Azumi, en charge des affaires parlementaires au sein du Parti démocrate, a forcé le trait. « Au vu de la situation actuelle, il serait difficile d’organiser les Jeux olympiques pour prouver que l’humanité a vaincu le coronavirus, a-t-il suggéré à l’occasion d’une réunion de son parti. Les propos de Toshihiro Nikai doivent nous inciter, chacun d’entre nous, à réfléchir sérieusement à l’opportunité d’aller de l’avant avec les Jeux de Tokyo. »
Annulation ? Huis clos ? La confiance martelée par le CIO, et les mesures sanitaires préparées sans relâche par le comité d’organisation, avaient éloigné ces deux options du débat. Elles y reviennent au grand galop. Jusqu’à quand ?