Les affaires de dopage, passées ou présentes, encombrent leurs armoires. Mais les Etats-Unis ne se sont jamais privés de jouer les maîtres du jeu en matière de lutte antidopage. A moins de dix semaines de l’ouverture des Jeux de Tokyo, ils ne baissent pas les armes.
Le bureau de contrôle des drogues de la Maison Blanche (Office of National Drug Control Policy – ONDCP) a remis lundi 17 mai au Congrès américain un rapport actualisé de 32 pages sur la situation de l’Agence mondiale antidopage (AMA), ses réformes et son évolution.
Surprise, il se révèle plutôt positif. Mais, nuance importante, il pose ses conditions au versement de la part américaine au budget de l’AMA, d’un montant de près de 3 millions de dollars pour l’année 2021.
Le rapport en question intervient près d’une année après les menaces américaines de ne plus contribuer au financement de l’AMA. Il a été déposé au Congrès au début d’une semaine où l’instance basée à Montréal doit tenir plusieurs réunions importantes.
La part des Etats-Unis au financement de l’AMA s’élève à 2,93 millions de dollars pour l’année 2021, soit un peu plus de 7 % d’un budget annuel de 40 millions de dollars. Elle est la plus importante de tous les pays engagés dans la lutte contre le dopage.
La somme en question aurait dû être versée à l’AMA au cours du premier trimestre 2021. Mais le chèque n’est toujours pas parti.
Le rapport de l’ONDCP l’écrit sans mettre les formes : les Etats-Unis payeront leur part s’ils constatent « de réels progrès et une évolution vers des réformes futures plus substantielles » de la part de l’AMA. Ils posent leurs conditions, donc. Ils se disent prêts à envoyer leur chèque, mais sous réserve que l’Agence mondiale antidopage prenne une direction conforme à leurs attentes.
L’an passé, les Etats-Unis avaient menacé de mettre un terme à leur participation au budget de l’AMA, où ils s’estimaient sous représentés dans les organes de décision. Ils pointaient également la gestion par l’AMA du scandale de dopage en Russie.
En réaction, l’AMA avait brandi à son tour les menaces, assurant qu’elle suspendrait un pays qui ne s’acquitterait pas de sa cotisation.
La situation semblait bloquée. Elle l’est toujours, mais une porte s’ouvre. Le rapport met en effet en avant les progrès réalisés par l’AMA. Il souligne certaines des réformes importantes mises en oeuvre par l’instance depuis trois ans. Quelques bons points, donc.
Mais, en parallèle, les Américains en veulent plus. Le rapport détaille 10 propositions pour un meilleur fonctionnement de l’AMA, notamment en termes de gouvernance. En tête de liste, un vrai pas en avant vers une indépendance vis à vis du mouvement olympique, avec un départ des membres du CIO et des représentants des autres instances sportives du comité exécutif de l’AMA.
Les Américains l’écrivent noir sur blanc : confier la moitié des sièges au CIO pouvait sembler logique à la création de l’AMA, en 1999, mais certainement plus aujourd’hui. Ils appellent à couper les ponts avec l’instance olympique, pour éviter les risques de conflit d’intérêt.
Le rapport remis au Congrès américain demande également la présence à des postes de décision de l’AMA d’un plus grand nombre d’athlètes réellement indépendants, et non pas désignés par le CIO ou les comités nationaux olympiques. Il suggère également à l’AMA de faire pression pour une réforme du Tribunal arbitral du sport (TAS).
« Pour lutter efficacement contre le dopage, y compris le dopage d’Etat tel qu’il est perpétré en Russie, il faut un organe indépendant chargé d’examiner les décisions de l’AMA en matière de lutte contre le dopage », indique le rapport.
Preuve d’un climat désormais plus apaisé entre les deux parties, l’AMA a commenté le rapport américain sans hostilité. Son président, Witold Bańka, se félicite que l’ONDCP reconnaisse « le travail important et les progrès considérables réalisés par l’AMA au cours de l’année écoulée. »
Le dirigeant polonais en convient : « Il reste du travail et nous continuerons nos avancées, dans le cadre d’un processus démocratique et consultatif, pour nous assurer que notre gouvernance continue d’évoluer en même temps que notre rôle et que la lutte contre le dopage dans le sport en général. Le partenariat de longue date entre l’AMA et le gouvernement des États-Unis est important pour la protection du sport propre dans le monde. Nous espérons que l’administration Biden-Harris travaillera avec nous pour préserver cette position. »
Les menaces sont rangées, l’heure est à la discussion. Mais, sur le fond, le message américain ne change pas : suivez nos directives, ou nous ne paierons pas.