Aux Jeux de Tokyo, Paris 2024 n’a pas seulement reçu le drapeau olympique, à conserver avec des soins jaloux pendant les trois années à venir. L’équipe du COJO, forte d’une cinquantaine de personnes, a surtout observé, rencontré, échangé. Et beaucoup appris.
Etienne Thobois, le directeur général du COJO Paris 2024, a expliqué à FrancsJeux les leçons à retenir d’un événement olympique organisé dans des conditions qui resteront sans doute uniques, au moins pour des Jeux d’été.
FrancsJeux : Vous aviez envoyé aux Jeux de Tokyo une équipe d’une cinquantaine de personnes, la moitié de ce qui était prévu avant le report. Comment s’est déroulé le travail d’observation ?
Etienne Thobois : Nous étions en effet moins nombreux, mais la quasi totalité des membres de l’équipe du COJO a participé au programme d’observateurs. Ces Jeux de Tokyo ont été pour nous l’occasion de voir la réalité du terrain. Les Japonais nous ont ouvert toutes les portes. Avec Michel Cadot (le délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques), nous avons par exemple passé une journée entière sur les questions de sécurité. Nous avons été au PC sécurité, puis sur les sites, pour observer l’ensemble du dispositif. Village des athlètes, hôtel de la famille olympique, sites de compétition, IBC (centre de presse audiovisuelle)… Le programme des observateurs a été extrêmement enrichissant. Il permet de découvrir tout ce qui se passe derrière. La réunion matinale, par exemple, entre Thomas Bach, John Coates, Christophe Dubi côté CIO, Seiko Hashimoto et Toshiro Muto côté japonais. En début de Jeux, les équipes de Christophe Dubi et le centre principal des opérations du comité d’organisation ont des contacts cinq fois par jour.
En plus d’observer, avez-vous eu l’occasion d’être acteurs de l’organisation des Jeux de Tokyo ?
Oui. Certains membres de notre équipe ont été immergés dans l’organisation des Jeux, parfois plusieurs semaines avant le début. Laurent Michaud, le responsable du village, a travaillé à partir de la fin du mois de juin au sein même du village des Jeux de Tokyo. Sébastien Rouault, l’ancien nageur, qui travaille chez nous à la planification, a été immergé à la piscine. Il n’a pas seulement observé, il a bossé au quotidien sur les épreuves de natation. Notre responsable transport a donné un coup de main aux Japonais au début des Jeux.
L’observation faite pendant les Jeux de Tokyo a t-elle changé votre approche sur certains aspects de la préparation des Jeux de Paris 2024 ?
Elle a plutôt confirmé certaines choses que nous avions en tête, mais sans les avoir encore validées. La traduction centralisée, par exemple. Aux Jeux de Tokyo, les traducteurs n’étaient pas physiquement présents sur chacun des sites, mais rassemblés en un même lieu central. L’idée est à retenir. Notre observation à Tokyo a également confirmé l’importance de travailler à fond les applications, car la technologie et l’interface client sont de plus en plus importantes. Nous repartons aussi de Tokyo avec la volonté de réduire un peu les services dans les loges, pour mettre plutôt l’argent ailleurs. La problématique de la chaleur, également, a été intéressante à observer pendant ces Jeux. Il n’est pas question de mettre de la climatisation partout, pour des questions de coût et de protection de l’environnement. Mais les Japonais ont utilisé des systèmes de brumisateurs et d’air pulsé très efficaces, que nous pourrions dupliquer.
Les Jeux ont-ils aussi été l’occasion pour vous de rencontrer vos interlocuteurs au sein du mouvement olympique ?
Tout à fait. Nous avons eu des réunions avec l’ASOIF (l’Association des fédérations internationales des sports olympiques d’été); avec la commission des athlètes du CIO… Les présidents et secrétaires généraux des fédérations internationales, nous les avons vus tous les jours. Paris et Lausanne ne sont pas très éloignées, certes, mais avec la crise sanitaire nous n’avions pas rencontré physiquement les gens du CIO, Christophe Dubi par exemple, depuis 18 mois.
La crise sanitaire a réduit le temps de séjour des athlètes au village. Le format adopté par les Japonais sera-t-il reproduit aux Jeux de Paris 2024 ?
Nous avons déjà réduit la capacité du village de 17.600 à 14.000 lits. En discutant avec les comités nationaux olympiques, nous avons pu gagner encore 1.200 lits. Nous sommes en train de voir si les rameurs et les cavaliers, par exemple, pourraient loger hors du village, plus près de leur site de compétition. Et nous travaillons sur une ouverture du village moins anticipée, à seulement 7 jours du début des Jeux, plutôt que 10 comme lors des éditions précédentes. Mais nous n’avons pas l’ambition d’imposer aux athlètes de quitter le village après leur compétition.
Cette expérience d’observation est intervenue seulement trois ans avant les Jeux de Paris 2024, une année de moins que prévu. Cela a-t-il été un inconvénient ?
Au contraire, nous l’avons pris comme un avantage. Cela nous a permis de mieux observer, avec un regard plus précis, car nous sommes déjà passés dans certains secteurs en phase opérationnelle. A trois ans, les équipes se projettent plus facilement vers l’objectif. Et puis, tout ce qu’on a vu aux Jeux de Tokyo nous laisse à penser que nous sommes plutôt bien. Mêmes dans les conditions très particulières imposées à Tokyo, la magie des Jeux a opéré. Pour nous, c’est très motivant.