On ne naît pas président, on le devient. La formule va comme un gant à Tony Estanguet. Le triple champion olympique de canoë ne semblait pas destiné à s’installer un jour sur un fauteuil présidentiel.
Au début de l’aventure de Paris 2024, le rôle avait été confié à Bernard Lapasset, l’ancien président de l’IRB. Puis Tony Estanguet a grimpé d’un cran, en phase de candidature, pour prendre place à ses côtés. Depuis la victoire de Paris dans la course aux Jeux d’été en 2024, il en occupe seul la fonction. Comme une évidence.
A moins de trois ans de l’échéance, Tony Estanguet a longuement expliqué à FrancsJeux comment il avait vécu les Jeux de Tokyo dans la peau de président du COJO Paris 2024, mais aussi la façon dont il concevait son rôle, ses risques et ses enjeux. Un entretien en deux volets.
Un président aux Jeux de Tokyo
« Pendant les Jeux de Tokyo, la grande majorité de mon temps a été dédiée à mon rôle de président du COJO Paris 2024, même si j’avais encore une casquette de membre du CIO. J’ai rencontré tous les présidents de fédérations internationales, toutes les parties prenantes du mouvement olympique, les diffuseurs, OBS (Olympic broadcasting services), quelques grands comités nationaux olympiques…. Mon rôle a été de travailler avec le comité d’organisation, le CIO, les fédérations internationales, pour tranquillement préparer le relais vers Paris 2024. Je me suis essentiellement attaché à cette mission. Je retiens de ma présence à Tokyo que l’ensemble de l’écosystème international et des acteurs français espèrent de Paris 2024 une vraie réussite. Ça me donne de la sérénité. Nous sommes nombreux à vouloir que ça marche. Les choses ne reposent pas que sur mes épaules. »
Président du COJO, un rôle à façonner
« Je n’étais peut-être pas destiné à cette fonction, mais je la vis très bien. C’est un défi personnel absolument incroyable. Un défi rare. Je m’épanouis complètement dans cette mission. Je l’appréhende comme je l’ai toujours fait dans mes précédents challenges. J’observe. Je rencontre. J’échange. J’ai rencontré les équipes de Londres 2012, Rio 2016, PyeongChang 2018, Tokyo 2020. Je me nourris de la façon dont je vois les choses, avec toujours en ligne de mire les Jeux de Paris 2024. Mais je veux apporter mon regard et ma valeur ajoutée, pour ne pas être juste dans la reproduction de ce que les autres ont déjà fait. L’idée est de construire la base la plus solide possible, avec ce qui a marché dans les éditions passées, mais en s’obligeant à construire un nouveau modèle. »
Nourri des rencontres et des échanges
« Je n’ai pas suivi de formation pour assurer la présidence du COJO. Mais j’ai été très curieux de tout ce que j’ai pu apprendre de Bernard Lapasset, Jean-Claude Killy, Thomas Bach, Christophe De Kepper, Christophe Dubi, toutes ces personnalités qui ont connu avant moi différents comités d’organisation. Je me suis nourri de ces échanges. Mais au bout d’un moment, j’ai voulu fonctionner comme lorsque j’étais athlète. Au début, on se nourrit des conseils des coachs et des athlètes qui ont fait les Jeux avant soi. Et puis un jour, il faut y aller. Il faut prendre ses responsabilités et décider seul. A ce stade, j’en suis là. Quand un sujet va arriver, je me nourris des gens qui ont déjà été confrontés à une telle question. Puis, quand il faut décider, je le fais avec les bonnes personnes autour de la table. Il y a un moment pour apprendre, et un moment pour faire. Je suis très bien entouré, avec des gens qui m’accompagnent et me conseillent. Nous avons toujours su avancer de façon collective. C’est une richesse dingue. Les positions des uns et des autres ne sont pas toujours les mêmes, mais il reste une liberté de parole dans ce projet. »
Plus chef d’orchestre que politique
« La réussite de Paris 2024 repose sur beaucoup d’acteurs. Les acteurs du monde du sport, nationaux et internationaux, mais aussi les autorités publiques françaises. Mon rôle est d’apporter de la cohérence, permettre à chacun de ces acteurs de trouver sa place et contribuer à la réussite du projet. Les intervenants sont nombreux, mais j’y vois une vraie chance car tous veulent en être. Mon rôle et de susciter l’envie et maintenir une ambition très forte. Au-delà de cet aspect, qui constitue la partie la plus importante de ma fonction, j’ai aussi un rôle exécutif. Nous avons organisé le COJO avec des directeurs et des départements. Il faut coordonner tout cela. Veiller à ce que tout le monde permette au projet d’avancer et réussir. Les Jeux de Paris 2024 seront réussis si l’ensemble des acteurs publics continent à s’investir comme ils le font depuis le début. Ils portent cette ambition de Jeux pour la France. Je dois travailler avec eux, je dois les embarquer. Ils sont tous volontaires, il me revient que cela reste une aventure collective. »