Reverra-t-on un jour Sheikh Ahmad al-Fahad al-Sabah promener sa silhouette trapue et distribuer sourires et poignées du main au sein du mouvement olympique ? Le dirigeant koweïtien, longtemps présenté comme l’acteur le plus influent du milieu, a encore reculé d’un pas. Il a annoncé via un bref communiqué de presse, envoyé en fin de semaine passée, sa décision de renoncer à sa dernière fonction d’officiel sportif, la présidence de l’Association des comités olympiques asiatiques (OCA).
La raison est judiciaire. Poursuivi devant le tribunal de Genève pour des soupçons de falsification dans une tentative présumée de complot contre le régime koweïtien, Sheikh Ahmad a été reconnu coupable. La sentence est tombée vendredi 10 septembre, au terme d’un procès débuté une dizaine de jours plus tôt. La justice suisse a retenu l’accusation déposée contre le Koweïtien et quatre autres personnes, dont l’un de ses assistants et son ancien avocat anglais.
Sheikh Ahmad a été condamné à près de 14 mois de prison, plus 15 mois avec sursis. Il a annoncé faire appel de la décision du tribunal de Genève devant la Cour d’appel suisse. Mais, précise son communiqué, le dirigeant koweïtien renonce temporairement à la présidence de l’OCA.
« Je sais que je n’ai rien fait. Je vais attendre l’appel et la reconnaissance de mes droits, a déclaré Sheikh Ahmad en quittant le tribunal avec ses avocats. Je n’arrêterai jamais parce que j’ai la conviction d’être innocent« .
Les faits remontent à l’année 2013. Cette année-là, Sheikh Ahmad a présenté aux autorités koweïtiennes des séquences vidéo montrant un ancien Premier ministre, Sheikh Nasser al-Mohammed al-Sabah, et un ex président du parlement, Jassim al-Kharafi, élaborer en secret es plans d’un coup d’état contre le régime en place. Si les faits s’étaient avérés exacts, les deux hommes risquaient la peine de mort pour trahison.
Sheikh Nasser al-Mohammed al-Sabah et Jassim al-Kharafi ont riposté en portant plainte contre Sheikh Ahmad et quatre de ses présumés complices. Ils accusaient les cinq hommes d’avoir truqué les images et fabriqué de fausses vidéos.
A Genève, le panel des trois juges suisses a estimé que les cinq hommes avaient participé à une mise en scène. Il les a reconnus coupables des faits. La peine prononcée est même plus sévère que celle demandée par le procureur général, qui réclamait six mois de prison ferme plus deux ans avec sursis.
Depuis sa mise en examen prononcée en novembre 2018, Sheikh n’a jamais dévié de sa ligne de défense. Il s’est toujours déclaré innocent des accusations de trucage. Il a maintenu du premier au dernier jour avoir été convaincu de l’authenticité des vidéos accusant Sheikh Nasser al-Mohammed al-Sabah et Jassim al-Kharafi. En 2015, il avait même présenté des excuses publiques pour sa méprise à la télévision koweïtienne.
Fait troublant : l’avocat suisse François Carrard, ancien directeur général du CIO et toujours conseiller juridique de l’instance, était censé se présenter devant le tribunal de Genève, lors de la deuxième semaine du procès, pour une déclaration en faveur de Sheikh Ahmad. Mais il a renoncé peu de temps avant d’être entendu, invoquant une raison médicale.
Au moment de sa mise en examen, Sheikh Ahmad avait choisi de renoncer le temps de l’instruction à ses multiples casquettes au sein du mouvement olympique, dont celles de membre du CIO, président de la Solidarité olympique et président de l’ACNO. Depuis vendredi dernier, son siège de président de l’OCA, une instance créée par son propre père, est occupé pour un intérim par son vice-président, Raja Randhir Singh.
Son avenir dans le mouvement olympique est-il définitivement scellé ? Très discret depuis le début de l’affaire, le CIO a sobrement commenté le verdict de la justice suisse. « La décision du tribunal (de Genève) est maintenant examinée par le responsable de l’éthique et de la conformité du CIO », a fait savoir l’instance basée à Lausanne.
Ces dernières années, la même formule avait été utilisée pour évoquer les cas d’autres membres du CIO impliqués dans des affaires judiciaires, dont l’Irlandais Patrick Hickey, ex président des comités olympiques européens (EOC), ou le Namibien Frankie Fredericks. On ne les a plus jamais revus.