L’année 2021 ne restera pas seulement marquée, dans le mouvement olympique, par l’organisation des premiers Jeux d’été reportés de douze mois. A l’heure du bilan, un phénomène pourrait bien occulter tout le reste : l’arrivée en force des femmes à la tête des comités nationaux olympiques.
Jeudi 11 novembre, le Mexique a connu un journée appelée à rester gravée dans l’histoire. María José Alcalá (photo ci-dessus), 49 ans, une ancienne plongeuse sélectionnée à quatre reprises aux Jeux d’été entre Séoul 1988 et Sydney 2000, a été élue à la présidence du comité national olympique. Une première en 98 ans d’existence de l’instance.
La victoire de María José Alcalá a été franche et sans nuance. A la tête d’une liste intitulée « Voy por México », elle a obtenu 87 voix, contre 46 bulletins pour sa rivale, elle aussi féminine, Norma Olivia González. Elle succèdera à Carlos Padilla Becerra, président du comité olympique mexicain depuis neuf ans.
Le résultat est historique pour le sport mexicain, mais pas seulement dans son résultat. Pour la première fois, deux femmes se disputaient la présidence. Pour la première fois, également, le scrutin s’est déroulé à bulletins secrets, et non plus à mains levées. L’élection a été organisée en présence d’un témoin envoyé par le CIO, Peré Miró, le directeur général adjoint de l’instance, invité par les dirigeants mexicains à superviser le processus électoral et en attester de la transparence.
María José Alcalá, titulaire d’une licence en droit, d’un master en administration publique et d’un master en organisations sportives, est une habituée des joutes électorales. Elle a été élue à la Chambre des députés, où elle préside la commission des sports.
Hasard du calendrier : la victoire de l’ancienne plongeuse mexicaine est intervenue la même semaine où une autre femme à écrit l’histoire du mouvement olympique de son pays. L’ex judoka Yael Arad, 54 ans, première médaillée olympique depuis la création de l’Etat d’Israël (elle a décroché la médaille d’argent dans la catégorie des 61 kg aux Jeux de Barcelone en 1992), est devenue dimanche 7 novembre la première présidente du comité national olympique israélien. Elle était la seule candidate en lice pour le poste suprême.
Cette double victoire des femmes dans des comités nationaux olympiques n’a rien d’anecdotique. Elle confirme une tendance révélée notamment en France, avec le succès en juin dernier de Brigitte Henriques dans la course à la présidence du comité national olympique et sportif (CNOSF). Vice-présidente de la Fédération française de football (FFF), ancienne joueuse internationale, elle s’est imposée au premier tour de scrutin, avec 57,87 % des suffrages exprimés, face aux trois autres candidats : Thierry Rey (19,26 %), Emmanuelle Bonnet-Oulaldj (16,05 %), et Patrice Martin (6,82 %).
Comme au Mexique et en Israël, la victoire de Brigitte Henriques à la présidence du CNOSF a été historique. Les trois élections confirment une tendance forte dans le mouvement olympique : les femmes ne restent plus à la porte, elles tentent leur chance. Surtout, elles l’emportent.
Le phénomène n’est pas nouveau. Deux des comités nationaux olympiques les plus puissants au monde sont déjà passés dans le giron des femmes. L’ancienne rameuse Tricia Smith, membre du CIO, préside le Comité olympique canadien (COC) depuis 2015 et la démission forcée de Marcel Aubut, accusé de harcèlement sexuel. Aux Etats-Unis, Susanne Lyons préside le comité national olympique et paralympique (USOPC) depuis janvier 2019. Elle a succédé à Larry Probst.
Le phénomène peut-il pendre de l’épaisseur ? Probable. La récente élection au CNOSF, où deux des quatre candidats étaient des femmes, a démontré que les dirigeantes sportives ne rechignaient plus à se lancer dans la bataille. La tendance ne s’inversera plus.
En Belgique, l’ex pongiste Jean-Michel Saive a dû écarter une rivale féminine, l’ancienne judoka Heidi Rakels, pour succéder à Pierre-Olivier Beckers à la présidence du comité olympique et interfédéral (COIB).
En Allemagne, l’ancienne escrimeuse Claudia Bokel, ex présidente de la commission des athlètes du CIO, se présente le mois prochain à la tête du comité national olympique (DOSB). Elle n’est pas donnée favorite, mais sa victoire s’inscrirait dans le cours de l’histoire.