Le lieu peut sembler improbable, mais l’histoire va s’écrire par deux fois, cette semaine, aux championnats du monde de tennis de table. A Houston, au Texas. Le premier rendez-vous pongiste planétaire de la nouvelle olympiade, organisé du 23 au 29 novembre au George R. Brown Convention Center, sera marqué par un double événement.
Le premier se jouera en coulisses. Réunie en congrès, la Fédération internationale de tennis de table (ITTF) va se doter d’un nouveau président. Le sortant, l’Allemand Thomas Weikert, mis en minorité au sein du comité exécutif, a jeté l’éponge et ne sollicite pas un nouveau mandat. En son absence, le résultat est connu d’avance. La Suédoise Petra Sörling est seule candidate pour le poste suprême.
Sauf séisme, elle sera élue à la présidence. La dirigeante scandinave deviendra la première femme à présider l’instance depuis sa création. Petra Sörling rejoindra deux autres femmes, l’Espagnole Marisol Casado (triathlon) et une autre Suédoise, Annika Sörenstam (golf), dans le cercle encore très étroit des présidentes d’une fédération internationale d’un sport olympique d’été.
L’autre événement se déroulera sur le terrain de compétition. A la table. L’ITTF l’a annoncé lundi 22 novembre avec un roulement de tambour : la Chine et les États-Unis feront équipe dans le tableau du double mixte aux Mondiaux à Houston. Les règlements du tennis de table autorisant l’association de joueurs issus de pays différents, les joueurs chinois Lin Gaoyuan et Wang Manyu disputeront la compétition avec, respectivement, les Américains Lily Zhang et Kanak Jha.
Deux doubles mixtes sino-américains, au Texas, pour des championnats du monde disputés une semaine seulement après le sommet virtuel entre Joe Biden et Xi Jinping. L’événement n’a rien d’anecdotique. L’ITTF l’explique sur son site Internet : ces deux paires vont contribuer à célébrer dans l’aire des jeu, au cours des prochains jours, le 50ème anniversaire de la « diplomatie du ping pong« .
Retour en arrière. Aux championnats du monde de tennis de table en 1971, dans la ville japonaise de Nagoya, un jeune joueur de l’équipe américaine, Glenn Cowan, se trompe de bus pour rejoindre l’hôtel des délégations. Il monte par erreur dans celui des pongistes chinois. Zhuang Zedong, le meilleur joueur chinois de l’époque, l’accueille avec quelques mots de bienvenue traduits par un interprète. L’incident est saisi par les quelques photographes présents. Il entre dans l’histoire.
A Pékin, Mao Zedong est informé de l’anecdote, devenue le sujet de toutes les conversations aux Mondiaux de Nagoya. Le président de la République populaire de Chine décide alors de lancer une invitation très officielle à l’équipe américaine de tennis de table à se rendre en Chine. Invitation acceptée. Et naissance du « ping pong diplomatique« .
Les pongistes américains se rendent en Chine en avril 1971, pour une visite du pays et une série de matchs amicaux. La première visite d’une délégation américaine à Pékin depuis 1949. L’histoire a retenu qu’elle avait préparé le voyage du président américain Richard Nixon en Chine en 1972.
A en croire Liu Guoliang, le président de l’Association chinoise de tennis de table (CTTA), l’idée de composer deux paires sino-américaines cette année aux Mondiaux à Houston serait venue des Chinois. Elle n’était pas préparée. « Il y a quelques jours, lorsque l’équipe chinoise est arrivée à Houston, j’ai été très ému par les efforts déployés par l’ITTF, USA Table Tennis et la Houston Sports Authority pour organiser un événement sportif pendant la pandémie, a-t-il expliqué, cité par l’ITTF. Nous avons réfléchi à la manière dont nous pourrions nous appuyer sur l’amitié entre la Chine et les États-Unis, initiée par nos prédécesseurs il y a 50 ans, et la renforcer sur le terrain sportif. Puis nous nous sommes rapprochés de la fédération américaine et nous avons proposé à l’ITTF l’idée d’associer des joueurs chinois et américains pour les doubles mixtes. »
Sur le papier, la paire formée du Chinois Lin Gaoyuan, actuel numéro 7 mondial en simple, et de l’Américaine Lily Zhang, la meilleure joueuse de double de son pays, possède tous les atouts pour s’imposer. « Et elle parle mandarin, cela va nous aider« , a confié le pongiste chinois. En décrochant le titre mondial, eux aussi écriraient l’histoire.