La course aux Jeux d’hiver en 2030 en est la dernière illustration : la bataille entre les candidats se joue désormais sur la question des coûts. Sapporo a annoncé à la fin du mois dernier une réduction de 20% de son budget prévisionnel. Salt Lake City, toujours en balance entre les éditions 2030 et 2034, a répliqué en présentant cette semaine un budget à « seulement » 2,2 milliards de dollars.
Les temps changent, donc. A la démesure du passé s’impose aujourd’hui une obligation de maîtrise des coûts. Pour séduire, il est désormais exigé de se montrer raisonnable, vertueux et responsable, avec un penchant affirmé pour la durabilité. Effet de mode ou tendance irréversible ? FrancsJeux a interrogé un expert, le Français Jérémy Botton, directeur général de l’agence Spartner.
FrancsJeux : Une nouvelle donne est-elle est train de s’imposer dans le mouvement olympique pour l’attribution et l’organisation des grands événements sportifs internationaux ?
Jérémy Botton : Certainement. La balance est en train de se rééquilibrer entre les fédérations internationales et les pays et villes candidats ou hôtes. Les premières ne peuvent plus se permettre, comme dans un passé encore récent, d’imposer aux seconds des cahiers des charges démesurés. Le CIO en tête, le mouvement olympique a vu au cours des dernières années des pays retirer leurs candidatures, pour des raisons de budget ou parce que les populations s’opposaient au projet. Désormais, tous les pays ne sont plus prêts à tout pour accueillir un grand événement sportif international.
Le phénomène est-il planétaire ?
Pas encore. Au Moyen-Orient et en Asie, notamment, certaines nations sont toujours prêtes à dérouler le tapis rouge devant les fédérations internationales pour recevoir dans les meilleures conditions, mais aussi les plus coûteuses, un rendez-vous majeur du calendrier international. Dans ces pays, les notions de durabilité, de maitrise des budgets et d’impact carbone, sont prises en compte, mais peut-être pas avec le même niveau d’exigence. Pour eux, le sport reste un outil de soft power diplomatique et touristique. Un écart se creuse.
Concrètement, comment se traduit cette nouvelle donne ?
Les fédérations internationales ont revu leurs exigences à la baisse. Elles allègent le cahier des charges imposé aux organisateurs. Et elles réduisent également, dans certains cas, la redevance à payer par le comité d’organisation pour l’accueil d’un grand événement. Cette redevance fait partie du modèle économique des fédérations internationales, mais elle est désormais souvent réduite. Un nouveau modèle s’impose, avec un partage des risques et des revenus entre la fédération internationale et l’organisateur.
Cette tendance modifie-t-elle également les processus de candidature ?
Oui. Le CIO a donné l’exemple, avec son nouveau processus de sélection des villes-hôtes construit autour d’un dialogue en deux ou trois phases. Les fédérations internationales suivent aujourd’hui la même voie. Elles sont nombreuses à remplacer les campagnes de candidature à l’ancienne, avec un vote pour désigner le vainqueur, par un échange et un dialogue qui se terminent par un accord de gré à gré. Il s’agit d’une tendance forte qui s’imposera sans doute, dans les années à venir, dans une grande partie du mouvement sportif. L’attribution d’un grand événement devient ainsi plus responsable, rationnelle et pragmatique. Le temps de la surenchère est partiellement terminé. Les pays ou villes candidats doivent proposer d’autres arguments, plus orientés autour de la responsabilité sociale, l’impact carbone, l’héritage pour les populations…
Cette évolution peut-elle favoriser l’émergence sur la carte des grands événements sportifs de pays nouveaux, jusque-là écartés du jeu à cause de moyens plus modestes ?
On voit arriver actuellement de plus en plus de candidatures regroupants plusieurs pays, voisins ou pas. Dans le même temps, certains pays d’Europe de l’est commencent à se manifester pour organiser des grands rendez-vous. La carte est en train d’être un peu redessinée. Mais rien ne permet aujourd’hui d’avancer que le phénomène sera durable. Les candidatures groupées présentent l’avantage d’un partage des coûts et des risques. Elles peuvent constituer une bonne solution en Afrique et en Asie, notamment. Elles apportent une certaine cohésion. Mais elles sont complexes à monter sur le plan politique. Et elles posent la question de la mobilité, aujourd’hui souvent mise en avant dans les politiques de réduction de l’impact carbone d’un grand événement sportif.