Aux Jeux d’hiver de Pékin 2022, Luc Tardif (photo ci-dessous) a vécu son premier rendez-vous olympique dans le costume de président de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF). Un baptême présidentiel rendu difficile par l’absence des joueurs de la NHL, puis par un protocole sanitaire sans doute encore plus pesant pour les sports collectifs.
Mais le dirigeant français, élu en septembre dernier pour succéder au Suisse René Fasel à la tête de l’IIHF, dresse un bilan positif des Jeux. Surtout, il se projette déjà avec optimisme vers la prochaine édition.
FrancsJeux : La NHL était absente des Jeux d’hiver de PyeongChang 2018, puis encore à ceux de Pékin 2022. Fera-t-elle son retour dans quatre ans à Milan-Cortina 2026 ?
Luc Tardif : Le travail de l’IIHF est d’amener les meilleurs joueurs aux Jeux olympiques. Nous avions un accord avec la NHL, mais le COVID-19 a rendu les choses impossibles. Pour Milan-Cortina 2026, je suis optimiste. Nous avons avec la NHL une base de discussion très positive. Je suis en contact régulier avec Gary Bettman et Bill Daly (respectivement commissionner et vice-commissionner de la ligue nord-américaine). Je leur ai parlé encore ces derniers jours au téléphone. Ils suivent le tournoi olympique. Mais je veux que nous puissions trouver un accord plus tôt dans l’olympiade, et non pas encore une fois dans la dernière année avant les Jeux d’hiver.
L’IIHF a parfois été critiquée pour son traitement du hockey féminin. On vous reproche de le négliger au profit du jeu masculin…
Je trouve ces critiques très injustes. Le traitement est de plus en plus égalitaire. Nous l’avons encore démontré depuis le début de la crise sanitaire. En 2020, nous n’avons annulé que quatre tournois féminins sur onze inscrits au calendrier. Chez les hommes, nous en avons annulé 15 sur 21. Depuis mon élection à la présidence, en septembre dernier, nous avons mis cinq millions de francs suisses supplémentaires pour aider les tournois féminins de qualification et augmenter les aides olympiques. Cela n’est pas encore égal aux hommes, mais nous allons de l’avant. Le hockey féminin progresse de plus en plus. Il monte en puissance en Europe, avec des ligues très fortes, notamment en Suède et en Finlande. Ceux qui ont travaillé avec moi à la Fédération française savent que je ne suis pas de ceux qui ne croient pas au hockey sur glace féminin.
Que représente la Chine pour le développement du hockey sur glace ?
Le développement était le thème majeur de mon programme de candidat à la présidence de l’IIHF. Je ne vais pas le mettre de côté maintenant que j’ai été élu. Il est évident que ce développement passe par l’Asie. Et il doit partir de Chine. Lorsque la Chine a joué contre le Japon, pendant ces Jeux de Pékin, on m’a dit qu’à la fin du match, 19 millions de Chinois suivaient la rencontre à la télévision. C’est un chiffre incroyable. Nous avons maintenant 22 pays membres de l’IIFH issus du continent asiatique, sur un total de 82 au niveau mondial. La Chine a construit 89 patinoires au cours des dernières années. A Pékin, 14 nouvelles patinoires sont sorties de terre depuis deux ans. Nous allons ouvrir un bureau de l’IIHF en Chine.
Que pensez-vous du niveau du hockey sur glace chinois ? La participation de l’équipe masculine avait été remise en question avant les Jeux de Pékin…
Les choses ne vont pas se faire en un jour. La Chine ne possède pas une longue tradition. Mais je préfère parler de renaissance, à propos du hockey chinois, que de naissance. Les femmes ont déjà joué à un très haut niveau, elles étaient présentes aux Jeux de Vancouver 2010. En 2007, la Chine évoluait en division 1A, donc près de l’élite mondiale. Aux Jeux de Pékin, les Chinoises ont remporté deux matchs. Les hommes, de leur côté, ont connu un début difficile face aux Etats-Unis (8-0). Je crois qu’ils ont été surpris par le niveau et la vitesse du jeu. Mais, par la suite, ils ont su s’adapter. Et ils nous ont surpris par leur qualité. Les équipements sont là et les Chinois sont prêts à s’organiser. Peut-être que la prochaine étape sera une ligue professionnelle en Asie.
La NHL a évoqué l’idée de déplacer le hockey sur glace des Jeux d’hiver aux Jeux d’été. Est-ce réaliste ?
Je ne crois pas. Dans nos discussions, le CIO nous fait parfois remarquer que le basket-ball n’a pas besoin d’arrêter ses compétitions d’été pour les Jeux olympiques. Notre situation est différente. Arrêter une saison n’est pas facile, cela implique beaucoup de discussions. Avec la NHL, bien sûr, mais aussi la KHL (la ligue professionnelle russe), et les autres ligues européennes. Il est évident que le hockey sur glace aux Jeux d’été résoudrait le problème. Mais j’imagine mal le CIO se laisser convaincre. Le hockey sur glace, c’est l’hiver. Sa place est aux Jeux d’hiver.
Où en est votre projet d’inclure le hockey 3×3 dans le programme olympique ?
L’expérience a été tentée aux Jeux de la Jeunesse d’hiver à Lausanne en 2020. Elle a été concluante, mais il s’agissait plus d’un festival de jeunes que d’une réelle compétition. Le CIO a été séduit, ils veulent maintenant voir ce que cela peut donner dans un vrai tournoi, avec des équipes nationales. Nous le ferons aux Jeux de la Jeunesse d’hiver 2024 à Gangwon. Le hockey 3×3 peut devenir un bel outil de développement, pour attirer un public et des pays nouveaux. Le rugby l’a fait avec le 7, le volley-ball avec le beach, le basket avec le 3×3. Toutes ces disciplines sont maintenant aux Jeux olympiques. Pour Milan-Cortina 2026, il ne sera pas possible d’ajouter le hockey 3×3, mais nous devons travailler pour les Jeux en 2030. La situation actuelle du hockey aux Jeux est un peu frustrante. Nous amenons beaucoup de monde, entre les joueurs et joueuses, les arbitres, les officiels. Nous commençons avant même la cérémonie d’ouverture. Nous finissons le dernier jour. Tout cela, pour seulement six médailles, trois pour les hommes, trois pour les femmes. Nous en aimerions plus.