Le CIO est pris de vitesse. A la différence des Jeux olympiques, les athlètes pourront exprimer ouvertement une opinion, y compris sur le podium, aux prochains Jeux du Commonwealth, prévus cette année à Birmingham, en Grande-Bretagne. A la différence des Jeux olympiques, ils ne risqueront pas une sanction en levant un poing ou en mettant un genou à terre sur le terrain de compétition, même pendant les cérémonies protocolaires.
La Fédération des Jeux du Commonwealth (CGF) en a fait l’annonce mercredi 23 février, à cinq mois et une poignée de jours de l’événement multisport (28 juillet au 8 août). Elle a dévoilé un ensemble de « principes directeurs » destinés à assurer les droits et la défense des athlètes.
Il sera ainsi autorisé aux compétiteurs, sans risque de sanction, de brandir un drapeau aborigène, par exemple, pour un athlète australien pendant son tour d’honneur. Un médaillé pourra lever un point sur le podium en recevant sa médaille. Il sera possible de mettre un genou à terre dans l’aire de compétition.
En revanche, la liberté d’expression accordée aux athlètes ne devra pas ouvrir la porte à des messages de haine ou à des protestations visant explicitement une organisation, une personne ou un pays spécifiques.
« La Fédération des Jeux du Commonwealth (CGF) est convaincue que la défense et le militantisme des athlètes humanisent le sport plutôt que de le politiser, a expliqué la présidente de l’instance, Louise Martin, pour justifier ce pas en avant. Je suis fière de notre approche. Elle vise avant tout à renforcer la voix des athlètes. Nous voulons encourager le positif, et non policer le négatif. Les athlètes sont des acteurs de changement et des ambassadeurs du respect, de l’impartialité et de la non-discrimination« .
La décision de la CGF incitera-t-elle le CIO à suivre la même voie ? L’instance a assoupli l’an passé la règle 50 de la Charte olympique sur la liberté d’expression aux Jeux olympiques. Après une vaste consultation menée par sa commission des athlètes, elle a accepté le principe de manifestation d’une opinion, y compris politique ou sociale, dans le cadre des Jeux. Mais, précision d’importance, hors du terrain de compétition et des cérémonies protocolaires. Les athlètes peuvent désormais s’exprimer face aux médias, notamment, ou sur les réseaux sociaux, mais il leur reste interdit de le faire sur le podium.
Dans les faits, cet assouplissement de la règle 50 n’a pas eu d’effets très spectaculaires. Aux Jeux de Tokyo, où la nouvelle version de la Charte était appliquée pour la première fois, les expressions d’une opinion ont été rares.
Mais l’Américaine Raven Saunders, troisième du lancer du poids, a fait sensation en formant un X avec ses bras après avoir reçu sa médaille.
Elle a expliqué qu’elle voulait ainsi symboliser « le point de rencontre de toutes les personnes opprimées. » Raven Saunders a ensuite déclaré que son geste était un « cri d’alarme » pour la communauté noire, la communauté LGBTQIA+, et toutes les personnes faisant face à des problèmes de santé mentale.
En vertu de ses règles, le CIO aurait dû sanctionner l’Américaine. Elle aurait pu perdre sa médaille de bronze. Mais l’instance olympique a laissé traîner l’affaire. Puis le drame personnel vécu par Raven Saunders – sa mère est décédée quelques heures après la finale du lancer du poids – l’a incitée à ne pas prononcer de sanction. « Par respect pour sa douleur« , a indiqué le CIO.
Aux Jeux d’hiver de Pékin 2022, le CIO n’a pas non plus sanctionné l’Ukrainien Vladyslav Heraskevych, un spécialiste du skeleton, après qu’il ait brandi un panneau portant le message « Pas de guerre en Ukraine » en bas de la piste après une descente. La référence aux tensions entre la Russie et l’Ukraine était explicite. Mais l’instance a estimé que le geste du jeune athlète était un appel général à la paix.
Dans les deux cas, le CIO a été contraint de naviguer à vue entre l’application de sa Charte et le risque de sanctions qui auraient entaché son image. Pas simple. Aux Jeux du Commonwealth 2022, les règles seront plus claires. Et les athlètes plus libres.