L’image a déjà fait le tour du monde. Elle laisse un goût étrange. Ivan Kuliak, seulement 20 ans, l’une des jeunes pousses de la gymnastique russe, est monté sur le podium de l’épreuve des barres parallèles de la Coupe du Monde à Doha, samedi 5 mars, habillé d’un maillot frappé de la lettre Z, symbole du soutien à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe.
Troisième de la compétition, Ivan Kuliak s’est présenté à la cérémonie des médailles en ayant couvert le drapeau de son pays par la seule lettre Z, écrite avec du scotch blanc. Le jeune Russe a ensuite évité comme il a pu le vainqueur de la compétition, l’Ukrainien Illia Kovtun. Selon plusieurs témoins, les deux gymnastes ne se seraient pas serrés la main.
La Fédération internationale de gymnastique (FIG) n’est pas restée sans réaction. Elle a annoncé dès le lendemain, par un bref communiqué sur son site Internet, avoir demandé à sa Fondation éthique d’ouvrir une enquête disciplinaire sur Ivan Kuliak, « après son comportement choquant lors de la Coupe du Monde de gymnastique artistique à Doha, au Qatar« .
L’étape de Doha de la Coupe du Monde était la dernière à laquelle les gymnastes russes étaient autorisés à participer. Suivant la recommandation du CIO, la FIG avait décidé la veille de l’incident, vendredi 4 mars, que les athlètes, officiels et arbitres russes et biélorusses seraient bannis de toutes ses compétitions à compter de ce lundi 7 mars. Ils sont donc exclus des Mondiaux de gymnastique acrobatique, prévus du 10 au 13 mars à Bakou, en Azerbaïdjan.
A 20 ans, Ivan Kuliak est encore peu connu dans le monde de la gymnastique. Etudiant en éducation physique à l’Université d’état du sport de Smolensk, en Russie, il a décroché le titre au concours général des championnats nationaux juniors en 2019. Sa fiche d’athlète sur le site officiel de la FIG mentionne que sa plus grande ambition est de participer aux championnats d’Europe multisports 2022 à Munich. A l’évidence, il n’en sera pas.
Le jeune gymnaste n’est pas le premier athlète russe de sa discipline à afficher ouvertement son soutien à l’offensive militaire décidée par Vladimir Poutine. Svetlana Khorkina, une légende de la gymnastique, double championne olympique aux barres asymétriques (1996 et 2000), l’avait fait avant lui, postant la semaine passée sur son compte Instagram un message d’encouragement aux soldates russes. Une prise de position attendue de la part de cette proche du régime de Moscou, ancienne députée de la Douma.
Ivan Kuliak est le premier athlète russe à avoir affiché une position belligérante sur le terrain de compétition. Le premier et sans doute le dernier, les Russes étant désormais bannis de l’immense majorité des compétitions internationales. Son geste lui vaudra sans doute une sanction personnelle de la part de la FIG. Mais il reste un cas isolé.
Depuis le début du conflit, les athlètes russes se sont montrés très discrets, le plus souvent par crainte de la répression. Mais certains grands noms n’ont pas hésité à exprimer publiquement leur appel à la paix, en veillant toutefois à ne pas citer Vladimir Poutine.
Fedor Smolov, l’un des joueurs de l’équipe nationale de football les plus suivis en Russie, a posté sur son compte Instagram un carré noir accompagné du hashtag #NOtowar. Nikita Zadorov, un hockeyeur russe évoluant en NHL et dans l’équipe nationale, a utilisé le même moyen pour appeler à la paix.
L’une des stars du hockey russe, Alex Ovechkin, triple champion du monde, actuel capitaine des Washington Capitals en NHL, s’est exprimé plus directement en conférence de presse. « S’il vous plaît, plus de guerre. Peu importe qui est en guerre – la Russie, l’Ukraine, différents pays – nous devons vivre en paix« , a-t-il déclaré. Interrogé sur son soutien antérieur à Vladimir Poutine, Alex Ovechkin a répondu : « Il est mon président. Mais comme je l’ai dit, je ne fais pas de politique. Je suis un athlète. J’espère que tout va s’arranger rapidement. C’est une situation difficile en ce moment pour les deux parties. »
La biathlète Larisa Kuklina a posté une image d’elle-même avec un cœur fendu, illustrée par les couleurs des drapeaux russe et ukrainien. Et cette légende : « Qu’est-ce qui se passe ? Arrêtez ! Nous sommes au 21e siècle !«