La polémique semblait inévitable. Mais elle a pris une tournure peu prévue. Faute d’avoir banni ses quatre membres russes en réaction à l’invasion de l’Ukraine, le CIO se retrouve aujourd’hui sous le feu des critiques de son propre pays d’adoption, la Suisse.
Selon l’édition de début du weekend pascal du Tages-Anzeiger, la ministre suisse des Sports, Viola Amherd, a très officiellement écrit à Thomas Bach pour lui exprimer son mécontentement. La dirigeante politique du Valais, par ailleurs conseillère fédérale, explique dans son courrier qu’il « est essentiel que les fonctionnaires russes et biélorusses ne soient plus acceptés, ni au sein des instances dirigeantes des fédérations sportives internationales, ni au CIO« . Viola Amherd insiste : « Au vu de la situation en Ukraine, il ne suffit plus d’exclure les athlètes russes et biélorusses des compétitions à l’étranger. Il faut à présent faire un pas de plus. »
Le message est clair. Il vise directement, sans pour autant les nommer, les quatre membres du CIO portant un passeport russe.
Deux d’entre eux, l’ex tennisman Shamil Tarpishchev et la recordwoman du monde du saut à la perche Yelena Isinbayeva (photo ci-dessus), sont membres actifs. Le premier est entré dans la maison en 1994. La seconde a été élue pendant les Jeux de Rio 2016 à la commission des athlètes.
Les deux autres, Vitaly Smirnov et l’ancien nageur Alexander Popov, figurent dans la liste des membres honoraires.
Prompt à « recommander » aux fédérations internationales de bannir les athlètes russes et biélorusses des compétitions internationales, le CIO n’a pas appliqué cette même recommandation à ses propres troupes. Les quatre officiels russes sont toujours officiellement membres de l’instance.
En Suisse, le comité national olympique (Swiss Olympic) s’est rangé sans ambiguïté dans le camp de la ministre des Sports. « Il s’agit pour nous de traiter les sportifs et les fonctionnaires sur un pied d’égalité« , a expliqué son porte-parole, Alexander Wäfler.
Même position à l’Office fédéral du sport (OFSPO), dont le directeur Matthias Remund a déclaré la semaine passée : « En tant que siège de nombreuses fédérations sportives internationales, la Suisse attend désormais un signal fort du sport« .
Ce signal fort ne viendra pas du CIO. L’instance olympique a attendu quelques jours pour répondre au courrier envoyé à Thomas Bach par Viola Amherd. Mais sa réponse ne devrait pas beaucoup plaire à la ministre fédérale des Sports.
Comme souvent, le CIO s’en tient aux textes. Il cite la charte olympique pour expliquer que ses membres sont élus en tant que personnes et ne représentent pas leurs pays dans l’organisation.
« Les personnes élues sont ensuite déléguées comme ambassadeurs du CIO dans les organisations sportives de leurs pays respectifs, ajoute l’instance. Et de toute façon, aucune réunion du CIO n’est organisée en ce moment avec des membres russes« .
Soit. Mais l’obstination du CIO à préserver ses quatre membres russes, sans même leur demander de faire un pas en arrière, pose deux problèmes.
Le premier est symbolique. Le CIO peut bien expliquer que ses membres « sont élus en tant que personnes et ne représentent pas leurs pays dans l’organisation« , les noms de Shamil Tarpishchev, Yelena Isinbayeva, Vitaly Smirnov et Alexander Popov sont tous accompagnés du drapeau et de la mention russes sur le site Internet officiel du CIO.
Autre incohérence de la position du CIO : sa référence à la charte olympique. L’instance présidée par Thomas Bach en cite des passages pour justifier son refus d’exclure ses membres russes. Mais elle n’avait pas pris la même précaution au moment de recommander aux fédérations internationales de bannir les athlètes russes et biélorusses. La charte condamne pourtant toute forme de discrimination, y compris sur la base de « l’origine nationale ou sociale ».