C’est fait. Ou presque. Sauf improbable retournement de situation, World Rugby écrira ce jeudi après-midi une nouvelle page de sa longue histoire. Pour la première fois, l’instance attribuera l’organisation de son événement majeur, la Coupe du Monde masculine, à un pays encore aujourd’hui très étranger à la pratique et la culture du ballon ovale : les Etats-Unis.
A l’image du CIO et de plusieurs autres fédérations internationales, World Rugby a jeté aux orties son vieux processus de sélection des pays-hôtes, où les candidats se disputaient les voix jusqu’au moment du vote. A la place, l’instance présidée par l’Anglais Bill Beaumont fait son tri parmi les postulants, pour sortir du chapeau une sélection réduite de candidatures dites « préférentielles« . Le suspense y perd beaucoup.
Réuni ce jeudi 12 mai à Dublin, le Conseil de World Rugby n’aura pas à voter entre plusieurs projets. Ses 44 membres seront invités à se prononcer pour ou contre une liste de trois pays-hôtes pour cinq éditions de la Coupe du Monde – féminine en 2025, 2029 et 2033, masculine en 2027 et 2031 – : l’Angleterre, l’Australie et les Etats-Unis. Vingt-trois voix sont nécessaires pour valider la proposition.
La messe est déjà dite, donc. L’Angleterre héritera du Mondial féminin en 2025. Elle complètera ainsi un catalogue déjà riche d’une Coupe du Monde féminine en 2010, et deux masculines en 1991 et 2015.
Pour la suite, World Rugby quittera l’Europe. L’instance procèdera par doublés successifs : l’Australie pour les éditions 2027 (hommes) et 2029 (femmes), puis les Etats-Unis pour les deux tournois suivants, masculin en 2031 et féminin en 2033.
Le choix de l’Australie inspire peu de commentaires. Mastodonte du rugby mondial, le pays compte parmi les territoires où World Rugby se doit se dérouler le décor d’un Mondial à intervalles réguliers. Les Australiens avaient partagé avec la Nouvelle-Zélande l’organisation de la Coupe du Monde masculine en 1987. Ils ont ensuite reçu seuls le tournoi planétaire en 2003.
Les Etats-Unis, en revanche, marqueront un tournant, comme l’avait été le Japon avec le Mondial masculin en 2019. Alan Gilpin, le directeur général de World Rugby, le répète sans lassitude face à tous les micros : « Le continent nord-américain affiche un potentiel commercial et sportif encore à exploiter. Nous sommes convaincus que l’organisation successive de deux Coupes du Monde en deux ans peut s’avérer pour le rugby une stratégie gagnante. »
Pas question pour World Rugby, donc, de laisser échapper une telle opportunité. L’instance n’a jamais caché ses ambitions nord-américaines. Ses fréquents appels du pied ont été entendus aux Etats-Unis.
Le soutien récent affiché par la Maison Blanche, sous la forme d’un courrier envoyé par Joe Biden à Bill Beaumont, a été la dernière pièce du puzzle. Le président américain, sensible aux charmes du rugby par ses origines irlandaises, a expliqué que les deux tournois bénéficieraient des « garanties gouvernementales ». Il a ajouté : « Au nom du peuple des Etats-Unis, je suis heureux d’offrir mon soutien inconditionnel à cette candidature. »
Selon la fédération américaine (USA Rugby), porteuse du projet, deux douzaines de villes pourraient accueillir des matchs de la Coupe du Monde entre les éditions 2031 et 2033. Le budget initial a été estimé à un demi-milliard de dollars. Les bénéfices éventuels (ou les pertes) seraient partagés entre World Rugby et USA Rugby.
En cas très probable de feu vert du Conseil de l’instance, ce jeudi après-midi à Dublin, les Etats-Unis s’offriraient une succession de grands rendez-vous sportifs unique dans l’histoire, avec la Coupe du Monde masculine de football en 2026 (co-organisée avec le Canada et le Mexique), les Jeux d’été à Los Angeles en 2028, les Coupes du Monde de rugby en 2031 et 2033. Une liste à laquelle pourraient s’ajouter les Jeux d’hiver à Salt Lake City en 2030 ou 2034.
L’Australie pourra se préparer elle aussi à une décennie prodigieuse, avec la Coupe du Monde féminine de football en 2023 (co-organisée avec la Nouvelle-Zélande), les Jeux du Commonwealth dans le Victoria en 2026, les deux tournois mondiaux de rugby en 2027 et 2029, et enfin les Jeux d’été de Brisbane en 2032.