Suicidaire ? Parions-le. Déjà mise au ban du mouvement olympique, et provisoirement retirée du programme des Jeux de Los Angeles 2028, la boxe a encore creusé sa tombe, au cours du dernier weekend. Elle a confié les destinées de son instance internationale, l’IBA (ex AIBA), à un dirigeant dont le CIO ne veut plus entendre parler : le Russe Umar Kremlev (photo ci-dessus).
Organisée en marge des Mondiaux féminins à Istanbul en Turquie, la troisième élection présidentielle à l’IBA en moins de quatre ans a accouché d’un résultat certes connu, mais emprunté au scénario d’un film-catastrophe. Seul candidat en lice pour le poste présidentiel, Umar Kremlev a été réélu par acclamations.
Par acclamations, rien de moins. Les représentants nationaux de la boxe ont reconduit pour quatre ans, en tapant joyeusement dans leurs mains, un dirigeant dont la nationalité et les liens avec le régime de Moscou constituent une sérieuse menace pour l’avenir olympique de leur sport.
Comme souvent dans la boxe, rien n’a été simple pour accoucher d’une élection digne d’une république bananière. Deux hommes devaient se disputer le trône de l’IBA : Umar Kremlev, le sortant, élu une première fois à la fin de l’année 2020, et le Néerlandais Boris van der Vorst, déjà en course lors du précédent scrutin présidentiel.
Mais, premier accroc au processus démocratique, le challenger a été envoyé au tapis avant même le début du combat. L’unité d’intégrité indépendante de l’IBA a jugé sa candidature irrecevable, jeudi 12 mai, à la veille du vote. En cause, la participation de Boris van der Vorst à une coalition de près d’une vingtaine de pays appelant au départ d’Umar Kremlev en réaction à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, et dénonçant les liens de l’IBA avec le géant russe Gazprom.
Boris van der Vorst a immédiatement saisi le Tribunal arbitral du sport (TAS). Dans l’attente du verdict de la juridiction basée à Lausanne, Umar Kremlev a demandé un report de l’élection, initialement prévue vendredi 13 mai. Grand seigneur, le dirigeant russe.
La décision du TAS, défavorable au candidat néerlandais, est tombée dans la soirée du vendredi. Désormais seul en piste, Umar Kremlev a été réélu dès le lendemain à la tête de l’IBA. Il est aujourd’hui le seul dirigeant russe, avec Vladimir Lisin au tir (ISSF), à présider de manière active une fédération internationale dans un sport olympique.
Dans la foulée, l’instance internationale s’est dotée d’un nouveau conseil d’administration. Parmi ses dix membres élus samedi 14 mai à Istanbul, les trois candidats ayant obtenu le plus de voix sont trois dirigeantes féminines : l’Américaine Elise Seignolle (106 voix), la représentante de l’Eswatini (ex Swaziland) Pearl Dlamini (88 voix), et la boxeuse australienne Kristy Harris (84 voix).
A Lausanne, le résultat de l’élection a été accueilli comme un affront. Un porte-parole du CIO a expliqué : « Les diverses préoccupations du CIO, notamment la dépendance financière vis-à-vis de l’entreprise publique Gazprom, ne sont toujours pas résolues« . L’instance olympique l’a suggéré dans un communiqué : « Les événements entourant l’assemblée générale de l’IBA, en particulier les élections, méritent une analyse minutieuse et ne font que renforcer les questions et les doutes autour de la gouvernance de l’IBA« .
Le CIO répète sans lassitude depuis des mois suivre de près la situation de l’IBA, notamment en termes de gouvernance et de transparence financière. Il prévient sans retenir ses mots que, faute de présenter une copie plus recevable, la boxe pourrait perdre pour de bon sa place aux Jeux d’été. Mais ses menaces restent ignorées à l’IBA.
La situation de l’IBA et l’avenir olympique de la boxe figureront en bonne place à l’ordre du jour de la prochaine réunion de deux jours de la commission exécutive du CIO, prévue cette semaine à Lausanne. Thomas Bach et sa garde rapprochée recevront « un compte rendu des derniers développements au sein de l’IBA« , a annoncé un porte-parole de l’instance. La semaine s’annonce décisive.