Le budget. L’inflation. A un peu moins de 800 jours des Jeux de Paris 2024, ces deux mots s’invitent dans la préparation de l’événement olympique et paralympique sans y avoir été conviés. Et ils pourraient bien s’incruster.
Coup sur coup, deux des principaux acteurs des Jeux ont brandi le risque d’une envolée des prix. L’un et l’autre ont cité le « contexte international » pour justifier leurs craintes.
Tony Estanguet a parlé le premier. Le président du COJO Paris 2024 s’est exprimé par vidéo, vendredi 22 mai, pendant la dernière journée de la session du CIO tenue en mode hybride depuis Lausanne.
« J’aimerais partager avec vous un défi important qui va nous amener sur le second semestre 2022 : celui du budget, a-t-il expliqué à l’intention des membres de l’instance olympique. La succession de crises sanitaires, économiques et géopolitiques qui s’enchaînent depuis plus de deux ans, font aujourd’hui peser des risques nouveaux sur Paris 2024. La crise du COVID et le conflit en Ukraine ont créé des ruptures dans les chaînes de production et d’approvisionnement. Ils ont aussi généré un contexte inflationniste qui était encore impossible à anticiper il y a encore quelques mois. »
Tony Estanguet ne s’en cache pas : la maîtrise des coûts, élevée au rang de priorité depuis la création du comité d’organisation, devient un exercice de haute précision. Mais le triple champion olympique ne baisse pas les bras. Face au CIO, il a assuré que l’ambition initiale de proposer un modèle de Jeux « spectaculaire, populaire et durable » était toujours d’actualité.
Le projet restera « unique« . Mais Tony Estanguet prévient : il faudra aller « encore plus loin dans les optimisations et les économies sur les coulisses des Jeux ». Comment ? En cherchant avec les CIO les « adaptations nécessaires » afin de compenser un taux d’inflation annoncé dans une fourchette de 5 à 8 % entre 2022 et 2024.
Le budget du COJO, toujours fixé à 3,9 milliards d’euros, sera révisé avant la fin de l’année 2022. Pour maintenir le cap, le COJO devra sans doute gratter dans les dépenses les moins indispensables. Les « coulisses des Jeux« , selon l’expression de Tony Estanguet. Le « décorum« , comme aime l’appeler Guy Drut, l’un des quatre membres français du CIO.
Autre mise en garde : les constructions. Nicolas Ferrand, le directeur générale de la SOLIDEO (Société de livraison des ouvrages olympiques), a profité d’une visite du chantier du village des athlètes en Seine-Saint-Denis, lundi 23 mai, pour évoquer à son tour le péril inflationniste.
Le Français l’a reconnu: la flambée des cas de COVID-19 en Chine et le conflit en Ukraine ne seront pas indolores au moment d’ouvrir les livres de comptes. Avec l’inflation des matières premières dans le secteur du bâtiment et de la construction, il faudra payer davantage.
La SOLIDEO avait hérité d’un budget initial de 3,2 milliards d’euros. Il a été révisé l’an passé, pour être porté à 4 milliards. La contribution des pouvoirs publics a été rallongée de 175 millions d’euros, pour passer de 1,38 milliard à 1,55 milliard d’euros.
Nicolas Ferrand l’assure : « Nous tiendrons nos engagements. » Mais le patron de la SOLIDEO a confié lundi 23 mai avoir eu des « sueurs froides, au mois de mars jusqu’à mi-avril« , lorsque les constructeurs ont reconnu ne plus avoir de visibilité sur la disponibilité des matériaux, notamment l’acier, le bois et les serrureries.
« Avec l’un des constructeurs, les fournisseurs ont dénoncé les contrats, a expliqué Nicolas Ferrand. Mais depuis trois semaines, le message est qu’a priori nous n’aurons pas de sujet d’approvisionnement à horizon de la fin de l’année ».
La SOLIDEO a envisagé un moment, à la fin du mois de mars, de changer ses plans et utiliser des produits de substitution pour certains matériaux. Mais cette option a été abandonnée lorsque le flou sur les approvisionnements a pu être dissipé.
Pas d’inquiétude, donc, au moins sur le calendrier. Le village olympique, construit sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Ile-Saint-Denis, sera terminé à la fin de l’année 2023. La SOLIDEO en remettra les clefs au COJO au mois de février 2024.
Le chantier tourne actuellement cinq jours sur sept, ponctuellement le samedi jusqu’à 15 h 00. Il n’est pas prévu d’accélérer la cadence et recourir au travail dominical.