Les éléphants blancs. L’expression d’origine indienne a longtemps collé à la peau des Jeux olympiques. Associée à une poignée d’éditions, dont Athènes 2004, elle a suggéré sans complaisance que l’événement laissait derrière lui son lot de sites abandonnés ou non utilisés, une fois les compétitions terminées et les délégations reparties.
A en croire un volumineux rapport du CIO, elle ne serait plus d’actualité. Et même, surprise, n’aurait jamais été justifiée. Le document intitulé “Over 125 years of Olympic venues: post-Games use”, premier du genre consacré à l’héritage, a été présenté le 20 mai dernier à la session du CIO, réunie depuis Lausanne en mode hybride.
Jeudi 2 juin, il a été détaillé et expliqué à quelques médias par un trio de directrices du CIO : Marie Sallois, en charge du service corporate et développement durable ; Tania Braga, la responsable de l’héritage ; et Jacqueline Barrett, à la tête du département dédié aux villes hôtes des futurs Jeux olympiques.
Le rapport se voulait exhaustif. Il l’est, sans l’ombre d’un doute. Le CIO a creusé au plus profond de son histoire, remontant jusqu’aux Jeux d’Athènes en 1986, les premières de l’ère moderne. L’étude passe en revue 923 sites olympiques (compétitions, village des athlètes, cérémonies) entre Athènes 1896 et PyeongChang 2018, soit 51 éditions des Jeux. Dans le détail, 817 sites permanents et 106 installations temporaires, depuis Athènes 1896 jusqu’à PyeongChang 2018.
Le résultat en impose. Surtout, il tord le cou aux idées reçues. Sur les 817 sites permanents recensés par le CIO, 85% sont toujours utilisés, pour le sport ou une autre activité (culture, entreprise, loisirs…). Le reste, soit 15%, concerne des équipements ayant été rasés du décor (11%), inactifs ou abandonnés (4%).
Autre découverte : les nouveaux sites, construits spécialement pour une édition des Jeux, révèlent une vie post-olympique très comparable aux équipements déjà existants (87% d’utilisation pour la première catégorie, 83% pour la seconde).Conclusion : faire le choix d’installations déjà existantes ne revient pas forcément à se résoudre à un héritage moins durable.
Jacqueline Barrett l’a expliqué jeudi 2 juin : la tendance ne s’inversera pas dans la décennie à venir. Elle pourrait même encore s’amplifier. Les quatre prochaines éditions déjà attribuées des Jeux olympiques, hiver comme été, révèlent une priorité des organisateurs pour les sites déjà existants : 95% à Paris 2024, 93% à Milan-Cortina 2026, 100% à Los Angeles 2028.
Une exception : Brisbane 2032. Les Australiens risquent d’inverser la courbe, avec « seulement » 84% de sites déjà existants. Leur projet prévoit la construction de six nouveaux équipements. Mais le CIO l’explique : Brisbane et le Queensland connaissent actuellement une forte croissance, démographique et économique. Les Jeux d’été en 2032 devraient l’accompagner, voire l’accélérer; par la réalisation de nouveaux équipements sportifs.
Le CIO le répète sans lassitude : les futurs organisateurs, déjà choisis ou à venir, sont vivement encouragés à piocher dans le patrimoine. La nouveauté est toujours permise, mais sans abus. Pour les Jeux d’hiver, notamment, la porte est grande ouverte pour des dossiers proposant d’aller chercher dans un autre pays un équipement – piste de bobsleigh, tremplin de saut – impossible à trouver chez soi.
Jacqueline Barrett l’a reconnu : « Nous sommes très ouverts, pour les Jeux d’hiver, à des candidatures de plusieurs pays. Inutile de construire une piste de glisse uniquement pour les Jeux, il est préférable d’aller en chercher une déjà en place dans un autre pays. »
Autre nouveauté annoncée par le CIO : il n’est plus demandé aux futurs pays hôtes de respecter une capacité minimale pour un site de compétition. La limite basse n’existe plus. Le plancher a sauté. Pas sûr que les fédérations internationales apprécient cette nouvelle donne. Mais elles devront s’y plier.