Elle l’avait annoncé. Elle est passée à l’acte. L’Union internationale de patinage (ISU) a profité de la deuxième journée de son congrès annuel, mardi 7 juin sur l’île de Phuket (Thaïlande), pour concrétiser une réforme prévue depuis la fin des Jeux d’hiver de Pékin 2022 et les turbulences de l’affaire Kamila Valieva. Elle a relevé de deux ans l’âge minimum des patineurs et patineuses artistiques engagés dans les compétitions seniors.
Désormais, il faudra être âgé de 17 ans au moins pour entrer sur la glace. Jusqu’à maintenant, les patineurs de 15 et 16 ans étaient autorisés sur le circuit. Quinze ans, l’âge de la jeune Russe Kamila Valieva, favorite pour le titre olympique en février dernier à Pékin, mais emportée par une affaire de dopage à l’impact médiatique planétaire.
Soumise à l’approbation du congrès de l’ISU, la réforme a été approuvée par les délégués de 100 pays. Elle s’appliquera en deux temps. L’âge minimum passera à 16 ans lors de la saison 2023-2024, puis à 17 ans dès la saison suivante (2024-2025). Le changement de règlement avait été préalablement validé par la commission médicale de l’instance.
Son objectif ? Officiellement, protéger la santé physique et mentale des jeunes athlètes, surtout les patineuses, lancées parfois très tôt dans le grand bain international. Mais, au-delà de cette louable volonté, l’ISU se devait de marquer le coup après l’affaire Kamila Valieva.
Son directeur général, Fredi Schmid, l’avait signifié en ouverture du congrès : « La crédibilité de l’ISU sera testée. Les médias et le public nous surveilleront de très près. »
L’annonce du résultat du vote des délégués de l’ISU n’a surpris personne. Une enquête menée par la commission des athlètes de l’instance, au cours des derniers mois, avait révélé que 86% des 1.000 patineurs et entraîneurs interrogés étaient favorables au relèvement de l’âge minimum.
Mais le futur ex président de l’ISU, le Néerlandais Jan Dijkema, a accueilli la réforme sans retenir ses mots. « Nous avons assisté à une décision historique« , a-t-il assuré. Jane Moran, la responsable de la commission médicale, lui a donné une dimension moins politique. « Il est de votre obligation morale et de votre devoir de fournir aux jeunes patineurs l’opportunité et le temps de développer les compétences dont ils ont besoin pour réussir au niveau senior, a-t-elle suggéré aux votants. Ils ont le droit de se développer en tant que personnes pendant leur adolescence. Ils n’ont pas besoin que nous les forcions à concourir. »
Pour Katarina Witt, l’ancienne légende de la discipline, double championne olympique sous les couleurs de la RDA dans les années 80, l’ISU a pris le bon chemin. « Félicitation pour cette décision historique, a-t-elle commenté. On va peut-être ainsi mettre un terme aux petites merveilles olympiques qui ne servent qu’une seule fois, et une patineuse expérimentée va enfin égaler mes records« .
Mais, sans réelle surprise, le camp russe a opposé au satisfecit quasi général un autre son de cloche. Avec une certitude : la décision de l’ISU a été prise avant tout pour tenter de contester la domination des jeunes patineuses russes.
L’ancien patineur Alexander Zhulin, médaillé olympique en danse sur glace en 1994, aujourd’hui entraîneur, se veut catégorique : « La décision est surtout dirigée contre nous. Il est évident pour tout le monde qu’à 15-16 ans, nos filles ne peuvent pas être battues. »
Même refrain chez le champion olympique aux Jeux de Sotchi 2014, Maxim Trankov : « Seules les filles russes peuvent faire des quadruples sauts de toute façon, à n’importe quel âge« .
Mais l’ancienne coach Tatiana Tarassova l’a confié à l’agence TASS : « Si l’âge est levé, il est levé. Nous gagnerons de toute façon. »