La Russie tient parole. Exclue du mouvement sportif international depuis le début du conflit en Ukraine, fin février dernier, elle organise ses propres événements. A grande échelle. Avec une participation étrangère tout sauf anecdotique.
Dmitry Chernyshenko, le vice-premier ministre russe – connu dans le mouvement olympique pour avoir présidé le comité d’organisation des Jeux d’hiver de Sotchi 2014 -, l’a expliqué la semaine passée : la ville de Kazan, capitale de la République du Tatarstan (photo ci-dessus), accueillera au mois de novembre la deuxième édition des Jeux de l’Amitié.
L’événement se tiendra du 10 au 25 novembre. Il aurait pu opter pour une appellation plus aquatique, et donc nettement moins multisport, les Jeux en question se révélant être une compétition de natation et plongeon. Mais la participation s’annonce massive, avec des athlètes de plus de 20 pays.
L’initiative n’est pas nouvelle. Une première édition des Jeux de l’Amitié s’est déroulée pendant l’été (26 juillet 3 août), déjà à Kazan. Elle a rassemblé des nageurs et plongeurs issus de 16 pays, dont la Biélorussie, également exclue du mouvement olympique, l’Algérie, l’Arménie, le Venezuela, le Vietnam, la Serbie, la Syrie, le Soudan, l’Ouzbékistan, l’Equateur et l’Afrique du Sud.
La compétition n’a pas atteint des niveaux supersoniques, mais elle a été marquée par la chute d’un record de Russie, battu sur 400 m 4 nages par le jeune Ilya Borodin, 19 ans. A en croire Vladimir Salnikov, le président de la Fédération russe de natation, il devrait être homologué par la FINA. L’ex légende du demi-fond l’avait expliqué : la fédération russe est toujours reconnue par l’instance internationale, et les compétitions ont donné lieu à des contrôles antidopage supervisés par la RUSADA.
Plus de trois mois après ce premier essai, la Russie remet le couvert. Cette fois, la participation étrangère devrait gagner en épaisseur. Dmitry Chernyshenko annonce la présence d’athlètes venus de 23 pays. Lesquels ? Mystère. Mais ils pourraient appartenir aux deux entités internationales dont la Russie est à l’origine : l’Organisation de coopération de Shanghai (SOC), et le groupe BRICS, acronyme de ses cinq nations membres (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
« Au nom du président de la Russie, Vladimir Poutine, nous maintenons le niveau d’activité compétitive de nos athlètes, a annoncé Dmitry Chernyshenko dans une déclaration officielle. Le gouvernement a développé de nouveaux formats pour les compétitions dans divers sports, avec la participation de représentants de pays amis. Par rapport à la première étape des Jeux de l’Amitié, en juillet-août, le nombre de pays participants passera le mois prochain de 16 à 23. »
La mobilisation des autorités russes se veut politique. Les déclarations du ministre russe des Sports, Oleg Matytsin, ne trompent pas. Selon lui, les Jeux de l’Amitié permettent de « rassembler les athlètes et souligner notre engagement envers les principes d’un sport équitable. » Refrain connu.
L’ancien président de la Fédération internationale du sport universitaire (FISU) poursuit : « Nous sommes toujours favorables à la consolidation internationale dans le domaine du sport et nous continuerons à organiser des compétitions de ce format, car nous constatons un intérêt croissant de la part des athlètes d’autres pays« .
Admettons. Mais l’événement est surtout motivé par des raisons plus directement sportives. A moins de deux ans des Jeux de Paris 2024, les athlètes russes ont besoin de compétitions. Faute de pouvoir voyager, ils s’expriment à domicile. Et comptent sur les « pays amis » pour leur servir de concurrence.
Stanislav Pozdnyakov, le président du Comité olympique russe (ROC), le répète en toutes circonstances : les athlètes doivent se tenir prêts à reprendre le cours de leur carrière internationale. Quand ? La réponse reste floue. Elle est entre les mains du CIO.
Depuis quelques mois, Thomas Bach avance à reculons sur la question russe. Le dirigeant allemand a assuré que l’instance « discute et travaille » à un retour des athlètes russes dans la perspective des Jeux de Paris 2024. Mais il a récemment reconnu que le moment n’était pas encore venu de lever les sanctions.