L’aviron change de visage. Il conserve ses pelles et la noblesse de son passé. Mais la discipline ne veut plus seulement vivre sa destinée olympique dans le cadre rectiligne d’un bassin à six couloirs.
Son nouveau terrain de jeu : la mer. Et, avec elle, le sable de la plage. A l’initiative de son président, Jean-Christophe Rolland, la Fédération internationale d’aviron (World Rowing) milite pour une entrée du sprint de plage (photo ci-dessus) aux Jeux de Los Angeles en 2028. Le dirigeant français en a expliqué à FrancsJeux le processus et les raisons.
FrancsJeux : Comment avance votre dossier de candidature de l’aviron de mer comme nouvelle discipline aux Jeux de Los Angeles en 2028 ?
Jean-Christophe Rolland : De notre côté, les choses avancent très bien. Pour l’aviron classique, nous avons validé le bassin de Long Beach, réduit à 1.500 m pour des raisons logistiques. Le comité d’organisation est en train de finaliser les éléments techniques sur le cluster de Long Beach. Nous attendons sa confirmation définitive. Pour l’aviron de mer, nous sommes en plein processus de candidature. La décision du CIO est attendue pour le 3ème trimestre de l’année 2023.
Quelle discipline avez-vous choisi de présenter ?
L’aviron de mer, dans son format du sprint de plage. Avec trois épreuves à médailles : le solo hommes et femmes, et le double en bateau mixte.
Pourquoi ce choix ?
Aujourd’hui, l’aviron ne se réduit plus seulement à son format classique, présent aux Jeux olympiques depuis Athènes en 1896. Nous avons aussi deux autres disciplines : l’aviron en salle sur ergomètre, et l’aviron de mer. Cette dernière discipline se décline en deux formats, qui utilisent les mêmes bateaux : l’endurance, comparable à la voile, avec un départ groupé et un parcours de 6 km en mer ; et le sprint de plage, avec un départ sur la plage en courant, puis une montée en bateau pour un parcours de 250 m vers une bouée en aller et retour, le tout en opposition directe avec élimination jusqu’à la finale. Ce format a été retenu pour les Jeux de la Jeunesse 2026 à Dakar.
Ce format représente-t-il l’avenir de l’aviron ?
Dans ma vision pour le futur, l’idée est d’élargir la communauté des rameurs dans le monde à travers nos trois disciplines. L’aviron classique n’est pas minimisé, il reste la base et nous continuons à le promouvoir. Mais nous développons les deux autres. Le sprint de plage est une discipline d’avenir, qui peut apporter une plus-value aux Jeux olympiques. C’est rapide, jeune, fun et innovant. Elle peut attirer un public différent sans nécessiter de gros investissements.
En cas de succès, où pourrait se disputer le sprint de plage aux Jeux de Los Angeles 2028 ?
Au même endroit que l’aviron classique, sur le cluster de Long Beach. Dans notre dossier, nous insistons sur le fait que nous n’avons pas besoin d’un équipement supplémentaire. On peut s’intégrer dans un site existant, qui peut être celui de la voile, du triathlon ou de la natation longue distance. Plusieurs options sont possibles, mais le périmètre de Long Beach semble la plus logique, en face de l’aviron classique, prévu sur un bras de mer à l’intérieur des terres.
L’entrée de l’aviron de mer vous conduirait-elle à devoir réduire le nombre de rameurs en aviron classique ?
Il faut comprendre que cette proposition intervient dans le cadre d’une discussion plus globale que nous avons avec le CIO. Dans le contexte actuel de réduction des coûts, il est hors de question de demander des quotas en plus. Le CIO nous a challengés sur la question des poids légers, une catégorie qui n’a plus de sens à ses yeux. Nous avons donc pris la décision de transformer les deux catégories de poids légers en aviron de mer. Les poids légers, nous les avions perdus de toute façon.
Votre démarche en faveur de l’aviron de mer se réduit-elle aux seuls Jeux olympiques ?
Non. La discipline sera présente aux Jeux de la Jeunesse 2026 à Dakar. Elle vient également d’être incluse aux Jeux du Commonwealth dans le Victoria en 2026, un événement multisport où la composition des pays participants laissait peu de chances à l’aviron classique. Nous avons aussi été intégrés aux Jeux mondiaux de plage l’an prochain à Bali.
Le développement de l’aviron de mer ne risque-t-il pas de se faire au détriment l’aviron classique ?
Pas du tout. Je veux casser cette idée. J’essaye d’élargir la base, d’augmenter la communauté des rameurs, mais sans réduire un côté pour agrandir un autre. Certains rameurs ont l’impression que nous réduisons le classique pour augmenter l’aviron de mer. Mais les poids légers, nous les aurions perdus aux Jeux olympiques, c’était inéluctable. Et nous n’aurions pas eu l’aviron classique aux Jeux du Commonwealth. Avec l’aviron de mer, on augmente la population des rameurs dans le monde. Dans un univers sportif devenu aussi compétitif, il est vital de pouvoir grandir.