La formule de Tony Estanguet se voulait percutante. « Un idéal plutôt qu’un animal« . Pas mal. Mais elle n’y a rien changé : les mascottes des Jeux de Paris 2024, deux bonnets phrygiens censés incarner la « révolution par le sport » promise à la société française par le rendez-vous olympique et paralympique, ont connu une première journée d’existence secouée par les moqueries et la polémique.
Depuis leur présentation officielle, lundi 14 novembre au siège du COJO à Saint-Denis, les « Phryges » de Paris 2024 divisent l’opinion et inspirent les chroniqueurs. Il fallait s’y attendre. L’unanimité n’existe pas dans le monde élitiste des mascottes. Mais peu importe, finalement, qu’elles plaisent ou séduisent les esthètes. L’important est ailleurs : qu’elles se vendent.
Le COJO espère en écouler deux millions d’unité, à 15 euros minimum pour la version en peluche. Avec un tel objectif, faire le buzz sur la Toile et dans les revues de presse n’est sans doute pas le plus mauvais départ qui soit. Un consensus mou, ou une indifférence polie, auraient été décevants.
La Voix du Nord résume le sujet par un article truffé de réactions d’internautes. « A peine présentées, les mascottes des JO 2024 sont déjà moquées« , titre le quotidien régional. L’article relève que le nom des deux mascottes, prononcé en anglais, pourrait vite devenir « fridges », à savoir réfrigérateurs. Glaçante perspective.
Dans un billet signé Quentin Girard, Libération explique avoir vu bien autre chose que deux bonnets affublés d’un oeil aux allures de cocarde. Pour le quotidien, pas de doute possible, les mascottes ressemblent à s’y méprendre à un clitoris. « JO 2024 : vive les Phryges, les mascottes clitoris qui en mettent plein la vulve« , titre Libé. « Une bonne nouvelle« , suggère son journaliste.
Sur France Culture, Guillaume Erner reprend le propos en présentant « le clitoris olympique« , symbole inattendu de Jeux de Paris 2024 placés sous le signe du féminisme.
A l’étranger, la découverte des deux mascottes a également ravi les chroniqueurs. Dans son émission Tout un matin, Radio-Canada les décrit comme « un chapeau avec des yeux« . Mais Hugo Lavoie se demande, à juste titre, si les Phryges de Paris 2024 sont du genre masculin ou féminin. Il ou elle ? La question n’a pas été tranchée par le COJO, les organisateurs les évoquant au pluriel en toutes circonstances.
Aux Etats-Unis, une chronique d’un journaliste de l’agence Associated Press, publiée dans USA Today, annonce avec des roulements de tambour que « le règne d’Izzy comme pire mascotte olympique est terminé« . Izzy, la peluche des Jeux d’Atlanta en 1996, un personnage à l’identité restée très obscure, très vite surnommé Whatizit.
« Après une recherche plus poussée, nous avons découvert que la mascotte des Jeux olympiques de Paris 2024 est un chapeau connu sous le nom de Phryge, ce qui serait génial s’ils mettaient en scène « Les Misérables » au lieu du plus grand événement sportif du monde dans deux ans« , suggère le billet signé Paul Newberry.
Plus gênants, mais aussi très malvenus, les propos du ministre français de la Transition écologique, Christophe Béchu, au micro de France Info. Invité à réagir sur le fait que la quasi-totalité de la production des mascottes en peluche des Jeux de Paris 2024 sera réalisée en Chine, il a d’abord répondu ne pas être au courant, avant d’évoquer un « problème« .
« Je veux croire qu’on a encore quelques mois avant que les JO ne se tiennent pour être capables de corriger le sujet, a expliqué Christophe Béchu. On ne va pas se retrouver, au moment où on explique qu’il faut des circuits courts et relocaliser, avec une production de mascottes qui se fait au bout du monde, y compris quand on défend la perspective de lutter contre le réchauffement climatique« .
Sans surprise, plusieurs associations défendant la production à la française se sont engouffrées dans la brèche, évoquant pêle-mêle un « non-sens« , un « véritable scandale », voire une « claque internationale et économique que nous nous donnons à nous-mêmes« .
Précision : le marché des mascottes en peluche a été attribué à deux entreprises françaises, Gipsy et Doudou et Compagnie. Elles prévoient de fabriquer en France environ 8 % des bonnets phrygiens estampillés Paris 2024. Le reste viendra de Chine, où sont produits aujourd’hui 75 à 80 % des jouets vendus dans le monde. Face à un tel quasi monopole, difficile de « casser les codes« .