Après la Russie, un second pays majeur de l’athlétisme risque de se voir montrer la sortie du stade. Selon plusieurs médias africains et britanniques, le Kenya pourrait être suspendu par World Athletics. La question sera abordée mardi 29 novembre, ou au plus tard le lendemain, par le Conseil de l’instance internationale.
La raison ? Le dopage. Dans un genre différent, moins étatique, le Kenya s’est installé depuis quelques années dans le camp des pays où les cas de dopage sont les plus nombreux. En toutes saisons, ils se ramassent à la pelle.
Pas moins de 45 athlètes kenyans ont été sanctionnés pour des faits de dopage au cours de l’année 2022. Parmi les derniers enregistrés, un spécialiste du trail, Mark Kangogo, récent vainqueur de la course Sierre-Zinal en Suisse, devant Kilian Jornet. Il a été suspendu provisoirement au mois d’octobre par l’Unité d’intégrité de l’athlétisme (AIU).
En prime, une vingtaine d’autres cas ferait actuellement l’objet d’une enquête.
A ce stade, une suspension de la Fédération kenyane d’athlétisme tient de la spéculation. World Athletics n’a laissé filtrer aucune information sur la teneur des discussions de son Conseil, en début de semaine à Rome. Mais il est certain que la question ouvrira le débat et pourrait diviser les membres de l’organe de décision de l’instance.
Preuve de la réalité de la menace : le ministre kenyan des Sports, Ababu Namwamba, présent la semaine passée au Qatar pour Mondial de football, a pris les devants en révélant avoir écrit un courrier très officiel à Sebastian Coe, le président de World Athletics. Il « exhorte » l’instance « à ne pas suspendre le Kenya. »
« Le gouvernement prend des mesures fermes pour protéger et défendre l’intégrité de l’athlétisme, assure le ministre. Il traite cette affaire comme une question d’intérêt national stratégique de premier ordre. Nous ne pouvons pas permettre que notre nation soit bannie à cause des actions de certains individus cupides et sans éthique. Nous allons cibler et traiter de manière décisive les criminels et leurs syndicats. Nous devons travailler ensemble pour éradiquer le dopage et la tricherie de l’athlétisme et des sports en général« .
Pour appuyer sa promesse, Ababu Namwamba aurait promis à Sebastian Coe que son gouvernement allait casser sa tirelire et consacrer cinq millions de dollars par an, au cours des cinq prochaines années, pour éradiquer le dopage.
Le ministre des Sports ne l’écrit pas en toutes lettres, mais son message est clair : le Kenya n’est pas la Russie. Le dopage n’y est pas une affaire d’Etat, pilotée en haut lieu, mais un trafic plus individuel, orchestré par des agents ou des médecins en quête de gains immédiats. Preuve de sa volonté : le pays a élevé le dopage à un délit pénal.
Mais la Fédération kenyane d’athlétisme a déjà été impliquée dans des affaires de corruption liées au dopage. Et le pays reste englué depuis 2017 dans la catégorie A des nations les plus affectées par le fléau, malgré les « efforts » de son gouvernement et de son agence nationale antidopage (ADAK), dont la création remonte seulement à l’année 2016.
Témoignage du lanceur de javelot Julius Yego, champion du monde en 2015, dans une interview accordée récemment au quotidien The Star : « Les cas ont augmenté et, bien sûr, personne n’est heureux de ce qui se passe dans le pays en ce moment. Nous avons de sérieux problèmes avec de nombreux athlètes kenyans liés à des scandales de dopage qui se poursuivent jour après jour. »
Selon plusieurs sources en Afrique, le Conseil de World Athletics pourrait sanctionner la fédération kenyane d’une suspension allant jusqu’à trois ans.
Dans un tel scénario, les athlètes kenyans devraient en passer par la même procédure que les Russes – avant leur suspension liée au conflit en Ukraine – pour participer aux compétitions internationales : compléter un dossier d’éligibilité et attendre la décision de World Athletics pour bénéficier du statut d’athlète neutre.