Un site provisoire de près de 10.000 places posé à un jet de pierre de la Tour Eiffel. Un public connaisseur et passionné. La promesse d’un bras de fer historique entre la France et le Japon, les deux mastodontes de la discipline. Et un chef de file français, Teddy Riner, attendu en rock star pour l’ultime défi d’une carrière sans égale.
Aux Jeux de Paris 2024, le judo s’annonce comme l’un des sports dont il faudra pousser la porte de la salle à un moment ou un autre de la compétition. Pour en être. Pour le vivre de l’intérieur.
Aux commandes de la discipline, un nom et un visage connus dans le milieu. Patrice Rognon (photo ci-dessus), 56 ans, double champion de France en lourds et médaillé de bronze européen en toutes catégories dans les années 90. FrancsJeux poursuit avec lui sa série d’interviews des managers sport du comité d’organisation.
FrancsJeux : Votre vie avant le COJO Paris 2024 ?
Patrice Rognon : J’étais agent de l’Etat comme professeur de sport, mis à disposition de la Fédération française de judo (FFJ) depuis 1996. A partir de l’année 2007, j’ai été responsable de la réglementation sportive et de l’organisation de tous les événements majeurs du judo en France, dont le tournoi Grand Slam de Paris, les championnats d’Europe et du monde.
Votre expérience passée des Jeux olympiques ?
Je n’ai jamais pu accéder aux Jeux olympiques comme compétiteur, car j’appartenais à la même catégorie de poids – les lourds – que David Douillet, champion olympique en 1996 et 2000. J’ai fait toutes les préparations, mais sans jamais pouvoir aller aux Jeux. Mon expérience olympique remonte aux Jeux de Londres en 2012, où j’étais NTO (National Technical Official) sur le tournoi olympique de judo. J’étais affecté à la chambre d’appel, où la tension est la plus forte. Une expérience fantastique. J’ai vécu la magie de l’instant.
Un souvenir marquant des Jeux ?
J’en ai deux en tête. Ils remontent à mes années d’adolescent, quand je suivais les Jeux à la télévision. Le premier date des Jeux de Montréal en 1976 : le Cubain Alberto Juantorena, champion olympique sur 400 m et 800 m. Un athlète fantastique, une amplitude de foulée incroyable. Le second souvenir est lié au judo : le parcours d’Angelo Parisi à Moscou en 1980. Il a été le premier champion olympique du judo français. Son judo était super explosif et sa vie extraordinaire, depuis sa naissance en Italie jusqu’à sa carrière en France. Elle pourrait inspirer une série Netflix. Je l’ai eu plus tard comme entraîneur.
Le dossier en tête de la pile sur votre bureau ?
Les ressources humaines. Je suis très attentif à la composition de mon équipe et au choix des volontaires. Ce sont eux qui vont faire le succès de l’organisation des Jeux. On peut avoir les technologies les plus avancées, ça ne marchera pas si on se trompe sur les hommes et les femmes. Nous avons la chance, en France, de pouvoir nous appuyer sur le formidable réseau et vivier de la Fédération française de judo. Entre 1.000 et 1.500 personnes ont répondu au premier appel aux volontaires passé par l’intermédiaire de la FFJ. Nous aurons le nombre. Maintenant, nous allons devoir choisir, en regardant les langues étrangères parlées et l’engagement de tous ces candidats volontaires.
Le site du judo et du para judo : ses atouts, le défi dans la perspective des Jeux?
Nous allons bénéficier d’un site extraordinaire, l’Arena Champ de Mars, entre la Tour Eiffel et l’Ecole militaire. Un lieu mythique. Presque 9.000 places. Aujourd’hui, l’enceinte est une coquille vide. Il faudra tout habiller, avec des extensions pour la salle d’échauffement et celle des athlètes. Nous allons partager le site avec un autre sport de combat, la lutte, avec seulement 24 heures pour effectuer la transition. Le défi s’annonce de taille, car nous devrons passer d’un espace de compétition rectangulaire à octogonal, de deux tapis à trois. Avec mon collègue de la lutte, nous faisons le pari de réussir la transition en 15 heures.
Paris 2024 sera une réussite pour le judo si…
La réussite du judo passera par l’ambiance de la compétition et le public, qui est toujours très universel dans notre discipline. La présentation sportive jouera également un grand rôle. Et puis, bien sûr, réitérer le succès français des Jeux de Tokyo – 8 médailles dont deux en or – serait un plus. Les performances françaises pourraient susciter des vocations dans tous les domaines. Mais la réussite des Jeux, pour le judo, ne se réduira pas au seul tournoi olympique. Nous allons tout faire pour attirer un maximum de spectateurs aux épreuves paralympiques, organisées sur le même site du 5 au 7 septembre 2024. Plus nous aurons de public, plus la compétition sera médiatisée. Et meilleures seront les chances que les Jeux contribuent à changer le regard de la société sur le handicap.