Les langues se délient et les aveux se multiplient, au Japon, dans le scandale de corruption lié aux Jeux de Tokyo 2020. Le dernier acteur en date n’est pas le moins imposant du casting. Il n’était pas le plus attendu au générique du feuilleton.
Hiroshi Igarashi, le président et directeur général de Dentsu, géant mondial de la publicité et des relations publiques, a reconnu devant les procureurs de Tokyo l’implication de son groupe dans le trucage des appels d’offres pour les test-events et certaines épreuves des Jeux de Tokyo 2020.
L’information est révélée par Kyodo News. L’agence japonaise cite des sources « proches du dossier ».
Interrogé en fin de semaine passée par les enquêteurs, dans le cadre d’une audience volontaire, Hiroshi Igarashi aurait admis que son groupe a participé activement, et sciemment, à l’attribution de contrats de prestation pour l’organisation de plusieurs épreuves, avant et pendant l’événement, au mépris des règles de la concurrence.
Les procureurs ont déjà arrêté un ancien cadre du groupe Dentsu, Koji Hemmi, et l’ex responsable des opérations du comité d’organisation des Jeux de Tokyo 2020, Yasuo Mori. Deux hauts dirigeants d’entreprises ayant bénéficié de la fraude ont également été bouclés.
Koji Hemmi et Yasuo Mori auraient admis les faits qui leur sont reprochés. L’enquête cible également cinq sociétés japonaises, accusées d’avoir collaboré avec Dentsu et Tokyo 2020 pour rafler les contrats sans en passer par des appels d’offres en bonne et due forme. Les cinq sociétés en question sont deux agences de publicité, Hakuhodo et Tokyu Agency, et trois agences de production d’événements, Cerespo, Fuji Creative et Same Two. Selon les sources citées par Kyodo News, leurs dirigeants auraient eux aussi plus ou moins reconnu les faits. Seul le patron de la société Cerespo continuerait à nier toute implication.
L’affaire concerne 26 appels d’offres truqués, dont la majorité était dédiée à l’organisation de test-events pour les Jeux olympiques. Montant total de la fraude : un peu moins de 4 millions de dollars.
Les procureurs de Tokyo envisagent désormais d’inculper Dentsu et les cinq autres entreprises pour violation de la loi anti-monopole. Leur inculpation pourrait intervenir dès cette semaine. Elle ferait suite à une plainte officielle déposée par la Commission japonaise du commerce.
Sauf improbable scénario, Hiroshi Igarashi ne risque pas de passer par la case prison. Mais les aveux du numéro 1 de Dentsu alourdissent encore un dossier déjà très épais. Surtout, ils menacent l’avenir à court terme du groupe japonais dans le sport international.
Souvent peu visible, mais très présent et terriblement influent, Dentsu pèse d’un poids colossal dans le mouvement olympique. Historiquement, son entrée sur la scène remonte aux Jeux de Los Angeles 1984. Une entrée timide, le groupe japonais se contentant de prêter main-forte au département marketing du comité d’organisation.
Depuis, Dentsu a étendu son emprise, multipliant les contrats et collaborations à tous les niveaux de la pyramide. Partenaire marketing de longue date du CIO, le groupe japonais avait obtenu en 2015 les droits médias exclusifs des Jeux d’hiver de PyeongChang 2018 et ceux d’été de Tokyo 2020 dans 22 pays de la zone asiatique. L’accord était également étendu aux Jeux d’hiver 2022 et d’été 2024, pas encore attribués par le CIO au moment de la signature du contrat.
En 2014, Dentsu a été déclaré agence de marketing exclusive des Jeux de Tokyo 2020. La même année, le groupe japonais a prolongé jusqu’en 2029 son contrat commercial avec la Fédération internationale d’athlétisme (World Athletics, alors nommée IAAF). L’année suivante, le Comité international paralympique (IPC) l’a désigné comme agence de marketing exclusive au Japon. Signé pour une durée de cinq ans, l’accord accordait à Dentsu la mission de vendre les Jeux paralympiques de Tokyo 2020 et leurs disciplines sportives aux entreprises japonaises.
Le groupe japonais et son président se remettront-ils d’un tel scandale ? Probable. Mais les aveux d’Hiroshi Igarashi et leur impact dans l’opinion publique japonaise portent un nouveau coup à la candidature – mise en pause depuis la fin de l’an passé – de Sapporo pour les Jeux d’hiver 2030.