La décision était attendue. Et même, allez, écrite d’avance. Au premier jour de sa réunion à Lausanne, mardi 28 mars, la commission exécutive du CIO a ouvert encore un peu plus en grand la porte à un retour des athlètes russes et biélorusses dans les compétitions internationales. Mais, prudente, elle a botté en touche sur le sujet le plus explosif du moment : leur participation aux Jeux de Paris 2024.
Thomas Bach l’a expliqué lui-même, en conférence de presse, lisant sans empressement un long communiqué avant de répondre aux questions : le CIO recommande aux fédérations internationales de réintégrer les athlètes russes et biélorusses. Treize mois plus tôt, l’instance avait émis une recommandation inverse.
La parenthèse est refermée, donc. Mais, à la différence de ses recommandations du mois de février 2022, la commission exécutive du CIO a couché sur le papier toute une série de conditions.
Les athlètes possédant un passeport russe ou biélorusse « ne peuvent concourir qu’en tant qu’athlètes individuels neutres », précise l’instance. Les équipes nationales ne sont pas concernées. Elles restent à la porte, dans les sports collectifs mais également dans les disciplines où sont prévues des épreuves collectives.
Jusque-là, tout est clair, même si la distinction ne sera pas toujours simple à appliquer. Prise au pied de lettre, cette première condition du CIO permettrait, par un exemple, à un rameur russe de s’aligner en skiff, seul bateau individuel de l’aviron, mais pas dans les autres catégories.
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- Deuxième condition : « Les athlètes qui soutiennent activement la guerre ne peuvent pas concourir. Le personnel d’encadrement qui soutient activement la guerre ne peut pas être inscrit aux compétitions. » Là aussi, le CIO reste fidèle à sa position. Il laisse aux fédérations internationales la tâche complexe de déterminer les soutiens actifs parmi le contingent des postulants.
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- Plus délicat encore : la commission exécutive recommande de ne pas autoriser le retour des « athlètes qui sont sous contrat avec l’armée russe ou biélorusse ou avec des agences de sécurité nationales ». Même chose pour « le personnel d’encadrement qui est sous contrat avec l’armée ». Dans un pays comme la Russie, où un grand nombre de sportifs appartiennent par tradition à des clubs de l’armée sans pour autant exercer dans les faits la profession de soldat, cette condition recommandée par le CIO pourrait faire débat.
Enfin, le CIO précise que tous les athlètes individuels neutres « doivent satisfaire à toutes les exigences en matière de lutte contre le dopage« . Normal. Il explique également maintenir en l’état les sanctions prises à l’encontre de « ceux qui sont responsables de la guerre – les États et gouvernements russes et biélorusses ». Aucun événement ne peut donc être organisé dans les deux pays.
Les Jeux de Paris 2024 ? Prudent, le CIO joue la montre. Thomas Bach l’a expliqué mardi 28 mars : la question sera réglée « au moment approprié ». La formule est assez vague pour lui laisser une grande marge de manoeuvre. Mieux : l’instance olympique explique que la décision de la participation de la Russie et la Biélorussie aux prochains Jeux d’été pourra être prise « à son entière discrétion, et sans être liée par les résultats de compétitions qualificatives. » En clair, tout est possible, dans un sens comme dans l’autre.
Question : les fédérations internationales suivront-elles les recommandations de la commission exécutive du CIO ? L’escrime (FIE) a pris les devants en votant le 10 mars dernier pour un retour sous conditions des athlètes russes et biélorusses. L’athlétisme (World Athletics) a choisi une voie opposée en décidant, la semaine passée, de maintenir leur exclusion jusqu’à nouvel ordre.
Les autres devront annoncer sans tarder leur position. Il serait surprenant qu’elles soient nombreuses à tenir tête au CIO, le mouvement olympique ayant jusque-là massivement exprimé son soutien à un réintégration des athlètes des deux pays en guerre avec l’Ukraine.
Ailleurs, en revanche, les réactions n’ont pas tardé. Elles sont unanimes à dénoncer l’ouverture recommandée par le CIO. La ministre allemande de l’Intérieur et de la Patrie, Nancy Faeser, a évoqué « une gifle aux sportifs ukrainiens ». Le vice-ministre polonais des Affaires étrangères, Piotr Wawrzyk, s’est emporté sur les réseaux sociaux, parlant d’un « jour de honte pour le CIO. »
A Moscou, où les nouvelles en provenance de Lausanne auraient dû être bien accueillies, le Comité olympique russe (ROC) reste droit dans ses bottes et continue de refuser les conditions imposées par le CIO. Stanislav Pozdniakov, son président, a répété mardi qu’elles étaient « inacceptables et discriminatoires. »
Moins attendue, la réaction ukrainienne. Le ministre des Sports, Vadym Guttsait, veut retenir l’essentiel : la décision du CIO de reporter la question de la participation des athlètes russes et biélorusses aux Jeux de Paris 2024. A ses yeux, une forme de victoire.