Il fallait s’y attendre : la question d’un retour des athlètes russes et biélorusses dans les compétitions internationales divise le mouvement olympique. Elle le coupe même en deux.
Depuis l’annonce par la commission exécutive du CIO, le mois dernier, de sa recommandation aux fédérations internationales de leur ouvrir un passage, deux camps se sont formés. Leurs rangs gagnent peu à peu de l’épaisseur.
La semaine passée, la Fédération internationale de triathlon (World Triathlon) a rejoint le groupe des instances alignées sur la position du CIO. Au dernier pointage, elles sont au nombre de cinq : la FIE (escrime), l’ITTF (tennis de table), World Taekwondo, l’UWW (lutte), et donc désormais World Triathlon. Cinq sports olympiques d’été, un nombre relativement peu élevé à moins de 500 jours des Jeux de Paris 2024, alors que les qualifications ont débuté, ou vont prochainement le faire, dans un nombre croissant de disciplines.
En face, une nouvelle fédération internationale vient de prendre position. Elle n’est pas concernée par les Jeux de Paris 2024, mais sa décision pourrait affecter les Jeux d’hiver de Milan-Cortina 2026.
Présent dans la banlieue de Toronto, où se tenait jusqu’à dimanche le Mondial féminin, le président de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF), Luc Tardif, a expliqué que la Russie la Biélorussie ne seraient pas réintégrées tant que durera le conflit en Ukraine.
Les deux pays étaient déjà exclus des compétitions de l’IIHF jusqu’en 2024. Leur mise au ban pourrait encore durer et les priver des prochains Jeux d’hiver. Luc Tardif l’a précisé : l’IIHF ne prendra aucune décision sur un éventuel retour des Russes et Biélorusses avant mars 2024, soit moins de deux ans avant les Jeux de Milan-Cortina 2026.
« J’espère que la Russie et la Biélorussie reviendront le plus tôt possible, car cela signifierait que la guerre est terminée, a expliqué Luc Tardif dimanche 16 avril en conférence de presse. Mais leur éventuel retour est aussi une question de sécurité. Pour les supporteurs, pour les équipes. De toute façon, sans visa, on ne peut pas voyager. Et personne ne sait combien de temps cela va prendre. »
L’IIHF a mené récemment une étude sur les risques, en termes de sécurité, d’une participation de la Russie et la Biélorussie aux compétitions internationales. Elle a conclu qu’ils seraient réels. Un argument rejeté en bloc par la Fédération russe de hockey. Elle estime que la question sécuritaire n’est rien de plus qu’une « raison inventée » pour fermer la porte à ses équipes.
A la différence de l’escrime, le tennis de table, le taekwondo, la lutte et le triathlon, le hockey sur glace continue à fermer la porte à un retour des athlètes russes et biélorusses. Mais il ne s’écarte pas pour autant de la ligne fixée en mars dernier par la commission exécutive du CIO, l’instance olympique ayant précisé que « la participation d’équipes dont les athlètes sont munis d’un passeport russe ou biélorusse ne peut être envisagée. »
Le dirigeant français l’explique : « Je comprends qu’il y ait parfois une approche politique. En tant qu’être humain, j’ai ma propre compréhension de la situation. Mais avec ma casquette de l’IIHF, je dois prendre une décision en suivant notre exécutif et en protégeant notre compétition. »
Avec cette position, Luc Tardif et le comité exécutif de l’IIHF marquent une rupture nette avec l’époque où l’instance mondiale du hockey sur glace était présidée par René Fasel.
Le dirigeant suisse, aux commandes de l’IIHF entre 1994 et 2021, n’a jamais caché ses sympathies pour la Russie et la Biélorussie. En 2011, il a été décoré de l’Ordre de l’amitié par le président russe de l’époque, Dmitri Medvedev. Dix ans plus tard, René Fasel s’est attiré les foudres de l’opinion pour avoir rencontré à Minsk le chef de l’Etat biélorusse, Alexander Lukashenko, en plein soulèvement populaire contre sa réélection.
Précision : la décision de l’IHHF de repousser à mars prochain sa décision sur un éventuel retour des équipes russes et biélorusses pourrait compromettre, en cas de maintien de la suspension, les chances de la Biélorussie de participer aux Jeux de Milan-Cortina 2026. Son équipe nationale ne pourrait en effet pas jouer sa chance dans les tournois de qualification. La Russie, en revanche, a pu conserver son classement mondial – 3ème chez les hommes, 5ème chez les femmes – malgré son exclusion des compétitions internationales.