Les Jeux d’hiver 2030 attribués à l’Ukraine, comme un symbole du pouvoir du sport sur la politique ? L’idée peut sembler fantaisiste. A un peu plus d’une année de l’attribution de l’événement par la session du CIO, elle semble même très irréaliste.
Mais au Japon, où la candidature de Sapporo est toujours en pause, un analyste de l’olympisme, Ryoichi Kasuga, la soutient et la défend. Ancien directeur des relations internationales du Comité olympique japonais (JOC), il en a développé les arguments et l’impact dans une tribune. FrancsJeux la publie en intégralité.
« L’Olympisme pose la question de savoir si le sport doit être placé en dessous ou au-dessus de la politique. En temps normal, les gouvernements se comportent comme s’il était au-dessus. Ils se nourrissent de son impact politique positif. Selon eux, « les Jeux olympiques créent l’avenir », « le sport est merveilleux ». Belles paroles.
Malheureusement, le gouvernement ukrainien a choisi lui aussi placer le sport sous le signe de la politique. Il a annoncé son intention de sanctionner ses fédérations sportives qui enverraient des athlètes à des compétitions où seraient engagés des athlètes russes et biélorusses. Il semble vouloir contrôler le terrain sportif, où les gens devraient pourtant pouvoir travailler main dans la main au-delà des barrières.
A sa façon, il agit ainsi comme l’a fait l’administration Poutine, qui n’a pas hésité à rompre la trêve olympique.
À l’occasion des Jeux d’hiver de Pékin 2022, plusieurs pays démocratiques dont les États-Unis ont annoncé un boycott diplomatique. À l’époque, le président du CIO, Thomas Bach, avait déclaré que puisque les Jeux olympiques avaient lieu et que les athlètes pouvaient y participer, la politique n’avait pas d’importance.
Depuis lors, j’ai soutenu qu’à une époque où la démocratie et l’autoritarisme s’affrontent, les dirigeants politiques du monde devraient rendre hommage au sport et se réunir dans l’arène sportive. Si cet idéal avait été réalisé « diplomatiquement », la guerre actuelle n’aurait pas eu lieu.
Mais à l’époque, l’opinion publique a considéré qu’il allait de soi de tolérer un boycott diplomatique et de subordonner le sport à la politique. Quel a été le résultat ? Vladimir Poutine s’est rendu aux Jeux de Pékin 2022, mais pas Joe Biden. Fumio Kishida, le Premier ministre japonais, qui aurait pu représenter son pays après qu’il ait organisé les Jeux de Tokyo 2020 en pleine crise sanitaire, n’est pas venu non plus.
Je pense que si les dirigeants politiques n’ignoraient pas la force et l’impact du sport, ils auraient pu empêcher la guerre en Ukraine.
Le 6 avril était la « Journée internationale du sport au service du développement et de la paix » instituée par les Nations unies. La veille, Thomas Bach a délivré un message selon lequel « le sport peut ouvrir la porte à la paix d’une manière que l’exclusion et la division ne peuvent pas faire ».
Ce que seul le sport peut faire, c’est prendre le pas sur la politique. Tomas Bach l’a déclaré : « Malgré toutes les guerres, les conflits armés et les crises dans le monde, nous avons vu, à l’occasion de presque toutes les éditions des Jeux, des athlètes pouvoir se mesurer les uns aux autres, comme un symbole de paix. »
Les exemples sont nombreux. Récemment, je pourrais citer deux médaillés des Jeux de Pékin 2022, l’Ukrainien Oleksandr Abramenko et le Russe Ilia Burov, s’étreindre après l’épreuve de ski acrobatique et se féliciter mutuellement. Relayée par les médias sociaux, l’image a frappé les esprits un peu partout dans le monde.
Le sport peut véhiculer des messages très forts, demander aux gens de jeter leurs armes et se rassembler au-delà des frontières.
Que peut-on faire pour surmonter la situation actuelle ? J’aimerais proposer que les Jeux olympiques d’hiver de 2030 soient organisés en Ukraine. Si nous parvenons à faire bouger le monde politique dans le bon sens, les militaires suivront le mouvement. Le CIO et le mouvement olympique ne seraient alors plus seulement des arbitres, mais plutôt des guides pour les leaders politiques.
L’Ukraine a annoncé en septembre 2021 sa candidature à l’organisation des Jeux d’hiver en 2030. Volodymyr Zelensky en avait fait part lui-même au CIO. Sapporo, dont la candidature est menacée par les scandales de corruption des Jeux de Tokyo 2020, pourrait embrasser l’idée et aider à sa concrétisation. Elle marquerait ainsi l’olympisme et ouvrirait de nouveaux horizons aux futurs Jeux olympiques.
Le temps est venu pour les Jeux olympiques de passer du bouclier à la lance. Ils ne doivent plus seulement être un bouclier pour protéger les athlètes. Ils peuvent devenir une lance pour faire gagner la paix. »