L’événement est devenu incontournable. Depuis sa création en 1997, le Festival international des sports extrêmes (FISE) rassemble tous les ans à Montpellier l’élite mondiale et les amateurs des disciplines urbaines.
A l’initiative de son organisateur, le groupe Hurricane – membre du GIE France Sport Expertise -, le rendez-vous est désormais accompagné d’un forum, l’Urban Sports Summit. L’édition 2023 débute ce mercredi 17 mai à Montpellier, en parallèle du FISE (17 au 21 mai). Deux envoyés du CIO sont annoncés parmi les intervenants, Kit McConnell, le directeur des sports, et Leandro Larrosa, son homologue de l’engagement numérique et du marketing.
Deux ans après les Jeux de Tokyo 2020, où le skateboard, le basket 3×3 et l’escalade ont fait leur entrée dans le programme olympique, comment se portent les sports urbains ? Hervé André-Benoît, le directeur-général du groupe Hurricane et fondateur du FISE, a répondu aux questions de FrancsJeux.
FrancsJeux : Comment se porte l’univers des sports urbains, presque deux ans après les Jeux de Tokyo 2020 et moins de 500 jours avant ceux de Paris 2024 ?
Hervé André-Benoît : Depuis leur apparition dans les années 70, les sports urbains n’ont pas cessé de progresser. A l’origine, ils avaient été présentés comme des activités non organisées, mais ils se sont fédérés, notamment autour de l’événementiel. La création d’événements, à l’image du FISE, a été le moteur de leur développement. Les infrastructures ont suivi. Elles restent encore souvent insuffisantes pour répondre la demande, mais les collectivités ont investi dans la création d’espaces dédiés aux sports urbains. En France, ils sont pleins tout le temps. Le nombre de pratiquants augmente tous les ans, un peu partout dans le monde. La pratique reste souvent libre, à l’écart des fédérations. Quant au marché économique, il n’a jamais été aussi dynamique. La crise sanitaire a fait exploser les ventes de matériel. Aujourd’hui, beaucoup de marques communiquent sur ces disciplines, même sans appartenir à l’univers des sports urbains.
Le marché est-il arrivé à maturité ?
Non, pas encore. Il continue à se développer année après année, sans marquer de ralentissement. Depuis 10 ou 15 ans, la pratique des disciplines urbaines dépasse le seul cadre du sport. Elle est le reflet d’un mode de vie. Quand le marché aura atteint sa maturité, les sports urbains ne seront pas loin de concurrencer le football.
Quelle est aujourd’hui la géopolitique des sports urbains ?
Les Etats-Unis ont longtemps été les leaders incontestés du marché. Ils ont impulsé le phénomènes dès les années 70 et ont largement contribué à le médiatiser, notamment via les X-Games. Aujourd’hui, l’Europe a comblé une grande partie de son retard. Elle suit de très près, avec des pratiquants de tous les âges, entre 4 et 40/45 ans. Les riders européens sont de plus en plus forts. Depuis quelques années, on observe une énorme appétence du continent asiatique. En Chine, notamment, le potentiel de pratiquants est considérable. L’équipe chinoise de BMX possède un très gros potentiel de médailles olympiques. L’Asie est en train de dépasser l’Europe en termes d’infrastructures. Cela aura forcément un impact sur les résultats. L’Afrique reste à la traîne. Les jeunes sont très demandeurs, mais les équipements ne suivent pas. Les Jeux de la Jeunesse 2026 au Sénégal peuvent servir de déclencheur.
Quel a été l’impact des Jeux de Tokyo 2020, où plusieurs sports urbains ont fait leurs débuts dans le programme, dont le skateboard et le basket 3×3 ?
La participation a été de très haut niveau, conforme aux attentes, et les infrastructures de grande qualité. Mais l’absence de public a atténué l’impact de l’événement. Sans l’osmose entre les athlètes et les spectateurs, très importante dans ces disciplines, les Jeux de Tokyo 2020 ont manqué de force et d’énergie. Nous nous attendions à une explosion, elle n’a pas eu lieu. Mais les Jeux ont eu un fort impact à Tokyo et au Japon, où le marché a connu une forte croissance.
Un fossé se creuse-t-il entre les sports urbains olympiques et les autres ?
Entrer aux Jeux est une reconnaissance. Le CIO ne choisit pas seulement les sports d’aujourd’hui, mais aussi ceux de demain. Le label olympique assure aussi une plus grande médiatisation, donc des moyens supérieurs. Mais dans l’univers des sports urbains, on avance tous ensemble. Le roller a longtemps été leader, puis il a décliné. Aujourd’hui, il est porté par des disciplines en croissance plus forte. La concurrence n’est pas entre les sports urbains, où les dénominateurs communs se révèlent nombreux, mais entre les sports urbains et les autres sports, comme le tennis ou le football.
Les Jeux de Paris 2024 peuvent-ils marquer un tournant ?
Un accélérateur, certainement, mais pas un tournant, car il signifierait un changement de direction. L’impact des Jeux de Paris 2024 s’annonce énorme. Ils vont faire naître des envies et des vocations. Les pratiquants vont être plus nombreux, et avec eux les médias et les sponsors. Malgré leur popularité, les sports urbains et les riders ont besoin d’une meilleure exposition. Les Jeux de Paris 2024 peuvent la leur apporter. Le COJO va leur offrir un écrin, la place de la Concorde (breaking, basket 3×3, skateboard et BMX freestyle). Les organisateurs ont une vraie volonté de faire au mieux pour ces nouvelles disciplines. Quant au CIO, il a annoncé l’an passé le lancement d’une série d’épreuves de qualification olympique en escalade, breaking, BMX freestyle et skateboard, sous la forme de festivals de quatre jours. C’est un signe. Tous les sports n’ont pas ce privilège.