Menace de très gros temps pour les Jeux de Paris 2024. A 400 jours et quelques poignées d’heures de l’ouverture des Jeux olympiques, mais aussi deux semaines seulement après une visite de la commission de coordination du CIO bouclée par des éloges dignes d’un premier de la classe, le COJO est secoué par la tempête.
Une double perquisition a eu lieu mardi 20 juin, menée par le Parquet national financier (PNF). Les enquêteurs se sont rendus au siège du COJO, l’immeuble Pulse à Saint-Denis, et à celui de la SOLIDEO, l’établissement public en charge de la construction des sites pérennes, dans le 8ème arrondissement de Paris.
Dans les deux cas, les enquêtes préliminaires portent sur des faits présumés de prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics, favoritisme et recel de favoritisme. En clair, le PNF soupçonne l’organisation des Jeux de Paris 2024 de corruption.
Les perquisitions menées au COJO ont débuté dans la matinée. Elles se sont terminées dans la soirée. Les enquêteurs ne sont pas repartis les mains vides. Ils ont emporté « des documents en lien avec des marchés litigieux », selon une source « proche du dossier », citée par l’AFP.
Le PNF l’a confirmé mardi 20 juin : deux enquêtes sont menées en parallèle concernant la préparation des Jeux. La première a été ouverte en 2017. Elle est confiée à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). Les enquêteurs s’intéressent à toute une série de marchés attribués par le COJO et, avant lui, par le comité de candidature.
La seconde est plus récente, puisqu’elle a débuté l’an passé. Confiée à la brigade financière de la police judiciaire parisienne (BRDE), elle porte sur plusieurs marchés passés par le COJO et la SOLIDEO, dont des contrats de conseil sur plusieurs dossiers liés à l’organisation de l’événement.
Un nom revient dans les conversations, celui d’Edouard Donnelly. Selon une source citée par l’AFP, il serait ciblé par l’une des deux procédures pour des soupçons de potentiels conflits d’intérêts.
Recruté l’an passé comme directeur exécutif des opérations, l’un des postes clés du comité d’organisation, Edouard Donnelly dirigeait avant son arrivée l’agence RNK, un prestataire du COJO. Plus tôt dans sa carrière, il avait fait équipe avec Etienne Thobois, l’actuel directeur général du COJO Paris 2024, au sein de la société Keneo.
Interrogé mardi 20 juin, le COJO a assuré n’avoir jamais eu connaissance du « moindre fait répréhensible ». « Nous collaborons activement avec les enquêteurs pour faciliter leurs investigations et apporter au plus vite l’ensemble des réponses aux questions posées », a-t-il assuré. Le COJO a également rappelé avoir installé peu de temps après sa création un comité d’éthique, présidé par Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du Conseil d’État.
A Lausanne, où a débuté le même jour la réunion de sa commission exécutive, le CIO a choisi lui aussi de commenter la nouvelle des perquisitions par des propos très lisses. Christophe Dubi, le directeur exécutif des Jeux olympiques, a expliqué que l’instance était « rassurée » de voir le COJO adopter « la seule attitude qu’on est en droit d’attendre, c’est-à-dire la transparence. »
Commentaire d’un expert en politique publique sportive, David Roizen, interrogé par l’AFP : « Ce n’est pas forcément une surprise. Il y avait déjà eu deux alertes, une venant de l’AFA (l’Agence française anti-corruption) et l’autre d’un ancien membre du COJO, qui avait d’ailleurs été licencié ensuite. Ces perquisitions sont catastrophiques, ils viennent de perdre leur crédibilité, notamment sur le devoir d’exemplarité. Cela va leur coller à la peau jusqu’aux Jeux. »
Après les affaires des Jeux de Rio 2016, puis le scandale de corruption lié aux Jeux de Tokyo 2020, le CIO espérait ouvrir une nouvelle page avec un COJO Paris 2024 supposé plus vertueux et présenté comme « exemplaire ». Mais la mauvaise série pourrait bien se poursuivre.