La question de la présence d’athlètes russes sous statut neutre aux Jeux de Paris 2024 n’est toujours pas réglée. Et selon les prévisions de Thomas Bach lui-même, elle ne le sera pas avant, au plus tôt, la fin de l’année 2023. Mais en attendant, les relations se tendent comme un arc entre le CIO et la Russie.
Lausanne et Moscou se parlent sur un ton de plus en plus hostile, où il n’est plus question de la moindre tentative de compromis. Les derniers épisodes l’ont confirmé : le ton monte.
En fin de semaine passée, la Russie n’a pas apprécié les propos pourtant mesurés du CIO après la polémique née de la disqualification de la sabreuse ukrainienne Olga Kharlan de l’épreuve individuelle des championnats du monde d’escrime à Milan (elle a ensuite été réintégrée et a pu participer à la compétition par équipes). L’instance olympique a demandé aux fédérations de faire preuve de « sensibilité » à l’égard des athlètes ukrainiens.
L’expression se voulait indolore. Mais elle a déclenché la colère de Moscou. Stanislav Pozdniakov, le président du Comité olympique russe (ROC), lui-même ancien escrimeur – comme Thomas Bach – a estimé que le CIO avait « pris parti dans un conflit politique ». Et aurait même, selon son interprétation de l’affaire Olga Kharlan, « commencé à agir dans l’intérêt de cette partie », à savoir l’Ukraine.
Pour Stanislav Pozdniakov, il ne fait aucun doute que le CIO penche du côté de Kiev, malgré sa neutralité politique. L’appel de Lausanne à la « sensibilité » à l’égard des athlètes Ukrainiens n’a rien d’une simple démarche visant à apaiser les esprits sur le terrain de compétition. Elle illustre à ses yeux « la duplicité des soi-disant recommandations » du CIO aux fédérations internationales.
Stanislav Pozdniakov n’en démord pas : le CIO a cédé aux « demandes russophobes » de Kiev. Sa position sur l’affaire Olga Kharlan le démontre selon lui sans la moindre ambiguïté : les athlètes russes devront s’attendre au pire lors des prochaines compétitions internationales.
Le CIO n’a pas riposté aux propos pourtant très directs de Stanislav Pozdniakov. Mais l’instance olympique n’est pas restée silencieuse sur un autre dossier impliquant la Russie et le mouvement sportif : la création l’an prochain par Moscou d’un nouvel événement multisport, les Jeux des BRICS.
Ils doivent se tenir du 20 au 23 juin 2024 à Kazan et réunir, en plus de la Russie, le Brésil, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud. Le ministre russe des Sports, Oleg Matytsin, en a confirmé l’organisation, en même temps qu’il en dévoilait les dates et la ville-hôte.
Les Jeux des BRICS sont nés de la volonté de Vladimir Poutine lui-même. En mai dernier, le président russe a demandé à son gouvernement de plancher sur la création de nouveaux événements sportifs internationaux à organiser dans le pays, où seraient invités les athlètes des pays alliés.
A Lausanne, l’annonce faite la semaine passée par Oleg Matytsin n’a pas vraiment été appréciée à la Maison olympique. Elle a même été perçue comme une nouvelle tentative des autorités russes de se servir du sport comme d’un outil politique.
Un porte-parole du CIO l’a expliqué à FrancsJeux : « Nous vous renvoyons au discours du président du CIO lors de la Session du 22 juin 2023, dans lequel il a déclaré : « Nous avons la partie russe qui considère nos conditions strictes (de réintégration des athlètes russes dans les compétitions internationales, ndlr) comme inacceptables, humiliantes et discriminatoires. Le gouvernement russe nous accuse d’agir en contradiction avec notre neutralité politique, alors que dans le même temps, ce même gouvernement tente sans vergogne d’organiser des compétitions sportives entièrement politisées. »
La guerre des mots et des déclarations s’intensifie entre Moscou et Lausanne. Les athlètes russes, eux, continuent à avancer en plein brouillard.