Paradoxe. Présentée comme la plus massive de l’histoire, avec deux pays-hôtes – Australie et Nouvelle-Zélande – 32 équipes et déjà plus d’un million de billets vendus, la Coupe du Monde féminine de football 2023 se révèle aussi la plus difficile d’accès pour les téléspectateurs.
En Australie, surtout, l’option choisie par la FIFA dans sa stratégie de vente des droits audiovisuels prive le public de la grande majorité des rencontres. Le Mondial est diffusé, pour l’essentiel, par une chaîne payante.
A la différence du Mondial masculin l’an passé au Qatar, où les 64 matches du tournoi étaient tous en accès gratuit, la FIFA a vendu les droits de l’événement féminin à l’opérateur de téléphonie mobile Optus. En vertu de l’accord signé entre les deux parties, seulement 15 rencontres ont été rétrocédées à une chaîne gratuite, Channel Seven, dont les matches de l’équipe nationale et la finale. Pour le reste, il faut en passer par un abonnement payant.
En Australie, où le Mondial féminin 2023 a bénéficié d’une vaste campagne de promotion et déjà battu des records d’affluence – 75.784 spectateurs pour le match d’ouverture entre l’Australie et l’Irlande à Sydney -, suivre le tournoi à la télévision se révèle plus compliqué, et surtout plus coûteux, que dans le reste du monde.
La situation n’est pas inédite. Pour le Mondial 2019 en France, la FIFA avait déjà fait le choix du payant. La compétition avait été vendue dans son intégralité au groupe Canal+, avec un accès par abonnement. Mais en vertu d’une règle censée protéger les équipes nationales, la chaîne gratuite TF1 avait également proposé toutes les rencontres des Bleues, puis tous les matches à partir des quarts-de-finale.
Il n’empêche, la stratégie de la FIFA est pointée du doigt comme un frein au développement du football féminin. Clare Hanlon, professeure à la chaire « Les femmes dans le sport » de l’université de Victoria, l’a expliqué à l’AFP : « Regarder en direct des matches encourage la participation des jeunes et leur donne une motivation supplémentaire. Passer à la télévision est aussi une chance pour attirer les sponsors qui vont aider à faire grandir le sport féminin. Le fait que les matches du Mondial féminin ne soient pas visibles gratuitement est une énorme opportunité manquée. »
Sollicitée par les médias, la FIFA n’a pas souhaité commenter le pourquoi et le comment de son accord de diffusion en Australie. Mais l’instance en a défendu l’existence, expliquant dans un communiqué que les deux diffuseurs, Optus et Channel Seven, avaient « engagé des ressources significatives pour couvrir et promouvoir le tournoi, leur efforts combinés ayant conduit à des chiffres d’audience record pour la Coupe du Monde féminine dans la région. »
L’opérateur Optus, de son côté, a tenté de calmer la grogne des téléspectateurs en assurant que les droits de diffusion étaient « essentiels pour assurer la croissance et l’égalité du sport féminin, depuis la base de la pyramide jusqu’aux salaires des joueuses de l’équipe nationale. »
Sans doute. Mais sa politique du plus offrant n’a pas généré les ressources attendues par la FIFA, malgré son bras de fer avec les diffuseurs européens. Selon les estimations, le Mondial féminin devrait lui rapporter environ 300 millions de dollars en droits audiovisuels, soit seulement un dixième des revenus de la Coupe du Monde masculine au Qatar.
Plusieurs experts s’accordent à suggérer que l’instance présidée par Gianni Infantino , dont les réserves atteignent 4 milliards de dollars, aurait pu se passer de privilégier une chaîne payante dans le pays-hôte. Elle en a largement les moyens.