Une enquête nationale menée dans l’un des pays majeurs du mouvement olympique le révèle sans prendre de gants : la vie d’un athlète de haut niveau n’a rien d’une existence dorée sur tranche. Elle en est même souvent l’opposée.
Dévoilée ce mercredi 30 août, l’étude a été réalisée en Australie. Mais il n’est pas hasardeux de penser que ses conclusions seraient assez proches partout ailleurs sur la planète.
Aux manettes, l’Australian Sports Foundation (ASF). L’organisation à but non lucratif a interrogé en ligne 2.304 athlètes australiens issus d’une soixantaine de sports, dont 604 ont précisé participer aux compétitions internationales.
Selon les résultats, près de la moitié de ces athlètes d’élite – âgés de plus de 18 ans – gagnent moins de 23.000 dollars australiens par an. Conversion faite, cela représente environ 13.700 euros au cours actuel, soit seulement un peu plus de 1.000 euros par mois.
La même enquête révèle que plus de 40 % des athlètes interrogés avouent que leur situation financière s’est dégradée au cours des douze derniers mois. En cause, pour l’essentiel, la hausse des coûts de logement et de voyage pour se rendre sur les compétitions.
Commentaire de Patrick Walker, le directeur général de l’ASF : « Le public serait très surpris de découvrir que la plupart de nos athlètes présents aux Jeux olympiques, paralympiques et aux Jeux du Commonwealth, très médiatisés tous les deux ou quatre ans, vivent une situation très, très difficile. Ils gagnent moins que le seuil de pauvreté, certainement moins que le salaire minimum, ils dépendent de leurs parents et occupent souvent des emplois à temps partiel. »
Voilà pour les chiffres. Choquants. Mais les perspectives s’avèrent encore plus inquiétantes. Deux athlètes australiens d’élite sur trois, âgés de 18 à 34 ans, confient avoir envisagé d’abandonner leur sport. Un athlète sur deux en préparation des Jeux du Commonwealth 2026, initialement attribués à l’état australien du Victoria, a pensé sérieusement mettre les pouces et passer à autre chose. A plus long terme, ils ont été près de la moitié (43 %) à reconnaître ne plus être sûrs de poursuivre leur carrière sportive, dans une telle situation financière, jusqu’aux Jeux de Brisbane en 2032.
Enfin, autre leçon de l’enquête, la santé mentale des athlètes australiens affiche de sérieuses zones d’ombre. Plus de 40 % des sondés ont reconnu avoir vu leur moral flancher et la dépression frapper à leur porte au cours des douze derniers mois.
L’ancienne nageuse Bronte Campbell, double championne olympique sur 4×100 m (Rio 2016 et Tokyo 2020), aujourd’hui en retraite sportive, l’explique : « Quand vous gagnez une médaille d’or olympique, vous recevez une prime de médaille, qui n’atteint pas, comme quelqu’un me l’a demandé un jour, un million de dollars. C’est beaucoup moins que cela. Mais essayer de subvenir à ses besoins entre les Jeux olympiques et entre les périodes où l’on réalise de grandes performances est une autre affaire. Il y a eu des années dans ma carrière où, si je n’avais pas eu de succès l’année précédente, je ne sais pas comment j’aurais fait pour joindre les deux bouts. »
Conclusion de l’ASF : l’Australie risque de perdre des pans entiers de son élite sportive, dans les disciplines olympiques, d’ici les Jeux de Brisbane 2032. A moins, insiste l’organisation, de trouver sans tarder un nouveau modèle de financement du sport de haut niveau.
Lequel ? A en croire les analyses du Comité olympique australien (AOC), la solution ne peut pas venir uniquement des pouvoirs publics. Son directeur général, Matt Carroll, a expliqué au printemps dernier qu’il manquait actuellement deux milliards de dollars australiens (1,2 milliard d’euros) pour financer le sport dans la perspective des Jeux de Brisbane 2032.
La ministre fédérale des sports, Anika Wells, a annoncé le mois dernier la création d’un fonds de 20 millions de dollars pour aider les athlètes à préparer et disputer les épreuves de qualification aux Jeux de Paris 2024. Le geste n’est pas anodin. Mais il est déjà jugé très insuffisant pour régler le problème de fond, la précarité financière d’une partie de l’élite.
Pour l’ASF, la solution pourrait venir d’une voie encore trop peu explorée par les instances sportives : le mécénat. Selon Patrick Walker, le monde des arts parvient à remplir ses caisses d’un pactole d’environ 350 millions de dollars par an en sollicitant les mécènes. Le sport en est loin. « Nos revenus issus du mécénat ont augmenté, reconnait-il. Mais ils représentaient seulement 80 millions de dollars l’an passé. Dans notre pays, le sport devrait être au même niveau que les arts pour le mécénat, car les deux domaines sont aussi importants l’un que l’autre pour les communautés et le bien-être de la nation. »