Le décor et l’occasion ne semblaient pas vraiment s’y prêter, mais l’envie était sans doute trop forte. Présent cette semaine à Vladivostok pour une session plénière du Forum économique oriental 2023 (EEF), Vladimir Poutine a parlé sport, olympisme et mouvement sportif. Le président russe l’a fait à sa façon, sans prendre de gants. Avec une cible toute désignée : le CIO.
« Je pense que les dirigeants actuels des fédérations internationales et du Comité international olympique pervertissent l’idée originale de Pierre de Coubertin, a lancé Vladimir Poutine devant son auditoire. Le sport doit aller au-delà de la politique. Il doit unir et non diviser les gens. »
Voilà pour l’introduction. Une référence à Pierre de Coubertin. Et une première salve de critiques à l’égard du CIO et des présidents des fédérations internationales. La suite est restée sur le même ton.
« Mais que s’est-il passé au cours de la dernière décennie, a poursuivi Vladimir Poutine. Le Mouvement olympique a été pris au piège des intérêts financiers. Nous avons assisté à la commercialisation inacceptable du sport mondial et du mouvement olympique international. Dans le sport, il ne s’agit pas seulement d’établir des records. Il est aussi question de rassembler les gens. Mais le mouvement olympique mondial a abandonné ce rôle. C’est très regrettable pour le mouvement olympique lui-même, car des mouvements alternatifs commenceront à émerger d’une manière ou d’une autre. Et on ne peut rien y faire car ce processus est objectif et impartial. »
A Vladivostok, Vladimir Poutine n’a pas évoqué directement les Jeux de Paris 2024 et l’absence du drapeau, de l’hymne et des couleurs russes, mais il a confirmé une nouvelle fois l’intention de son pays d’organiser l’an prochain ses propres événements. En tête de liste, les premiers Jeux des BRICS, prévus du 12 au 23 juin à Kazan. A un mois et une poignée de jours du rendez-vous olympique, ils devraient compter une vingtaine de sports et rassembler à minima les pays membres de l’organisation (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
A en croire les médias russes, l’idée de créer un tel événement multisport serait venue de Vladimir Poutine lui-même. Il l’aurait glissée en mai dernier lors d’une réunion du gouvernement, appelant les ministères concernés à se mettre au travail au pas de course pour lui proposer rapidement un concept. Depuis, l’homme du Kremlin semble en avoir fait une affaire personnelle.
Il l’a répété cette semaine au Forum économique oriental : l’événement sera ouvert à tous. « L’année prochaine, nous accueillerons Jeux des BRICS, a-t-il déclaré mardi 12 septembre à Vladivostok. Tout le monde sera heureux d’y participer. Tous ceux qui sont apolitiques. »
Stratégie élaborée en haut lieu ? Face au CIO et au mouvement olympique, Vladimir Poutine et son ministre des Sports, Oleg Matytsin, ne tiennent pas le même discours. Le premier se montre très offensif. Il cogne sans retenir ses coups. Le second se révèle plus nuancé. Il appelle au dialogue.
Moins d’une semaine après les déclarations du chef de l’Etat à Vladivostok, Oleg Matytsin avait évoqué à l’occasion d’une réunion du conseil d’administration du ministère des Sports la position de la Russie dans le mouvement olympique. L’ancien président de la FISU avait choisi des mots très neutres.
« Nous devons comprendre quel rôle la Russie jouera dans le monde du sport dans les 5 à 10 ans à venir, et commencer dès aujourd’hui à établir une coopération avec le CIO et les fédérations internationales, avait posément expliqué Oleg Matytsin. Nous devons comprendre les perspectives à venir, à la fois au regard des futures élections et de l’état de notre participation dans les compétitions internationales. L’année prochaine sera une année charnière. »