— Publié le 13 octobre 2023

Pour la Russie, une suspension sans effet immédiat

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Le ton est donné. Attendue comme une cuvée plutôt sportive, avec l’adoption du programme des Jeux de Los Angeles 2028, la réunion de la commission exécutive du CIO a débuté jeudi 12 octobre par une annonce politique. Une de plus. Elle concerne la Russie. Une habitude.

Réunis pour trois jours à Mumbai, avant la 141ème session de l’instance (15 au 17 octobre), Thomas Bach et le « gouvernement » du CIO ont haussé le ton dans leur bras de fer avec les autorités de Moscou. Ils ont annoncé la suspension, avec effet immédiat, du Comité olympique russe (ROC).

La raison ? Elle est détaillée dans un communiqué de l’instance : « La décision unilatérale prise par le Comité olympique russe le 5 octobre 2023 d’inclure, parmi ses membres, les organisations sportives régionales qui relèvent de l’autorité du Comité national olympique d’Ukraine, à savoir Donetsk, Kherson, Louhansk et Zaporijia. » Une décision qui, précise, le CIO, constitue une violation de la Charte olympique, « car elle porte atteinte à l’intégrité territoriale du CNO d’Ukraine. »

Mark Adams, le porte-parole du CIO, l’a expliqué en conférence de presse : le ROC a été prévenu de la décision de la commission exécutive avant son annonce publique jeudi 12 octobre. Il a également été précisé que la suspension ne concernait pas le Comité olympique biélorusse.

Dans les faits, la suspension du ROC ne bouleversera pas la donne. Certes, l’instance olympique russe est désormais officiellement suspendue. Elle n’est « plus autorisée à exercer ses fonctions en tant que comité national olympique », explique le CIO. Le ROC n’est plus autorisé à recevoir des subventions du CIO.

Mais le directeur général du ROC, Vladimir Sengleyev, l’avait confié en début de semaine : la Russie n’a pas touché sa part des recettes du marketing du CIO versées aux comités nationaux olympiques. « Sa dette à notre égard dépasse actuellement les 8 millions de dollars », avait précisé le Russe, annonçant au passage la décision du ROC de porter plainte devant un tribunal fédéral suisse.

  1. La suspension décidée jeudi 12 octobre à Mumbai ne change donc pas grand-chose. Surtout, elle ne règle toujours pas la question de la participation d’athlètes russes aux Jeux de Paris 2024. Le CIO précise dans son communiqué se « réserver le droit de décider, en temps voulu, de la participation d’athlètes individuels neutres détenteurs d’un passeport russe aux Jeux Olympiques Paris 2024 et aux Jeux Olympiques d’hiver Milano Cortina 2026. » En temps voulu, autant dire le plus tard possible.

Thomas Bach l’avait laissé entendre à plusieurs reprises, au cours des derniers mois : la décision du CIO sur une participation russe aux Jeux de Paris 2024 ne serait pas prise à l’automne, peut-être même pas avant la fin de l’année. L’annonce faite jeudi à Mumbai confirme la volonté de l’instance de temporiser. Elle compromet également encore un peu plus les chances des athlètes russes de décrocher leur qualification olympique, chaque nouvelle semaine réduisant les possibilités de marquer des points ou d’obtenir des quotas.

Sans surprise, la décision de la commission exécutive a été commentée le jour même par Kiev et par Moscou.

« Tout le monde dans le monde devrait respecter l’intégrité territoriale des nations et la Charte des Nations unies, a réagi le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Si quelqu’un en Russie pense qu’il peut utiliser le sport et le mouvement olympique comme une arme, cela ne fonctionnera pas du tout. »

Côté russe, la réaction la plus offensive est venue du ministre des Sports, Oleg Matytsin. « En prenant cette décision, le CIO démontre qu’il est complètement soumis à l’environnement politique et commercial et qu’il a perdu sa crédibilité et son autonomie, a-t-il déclaré dans un communiqué. Il n’existe toujours pas de critères clairs pour l’admission des athlètes russes et biélorusses aux Jeux olympiques, alors que diverses fédérations sportives internationales établissent leurs propres règles, en ignorant les recommandations du CIO. Cela prouve qu’en l’état actuel des choses, le CIO ne représente ni ne protège les intérêts du sport mondial et des athlètes, ce qui nuit considérablement à sa réputation et à sa crédibilité en tant que régulateur international. »

Le bras de fer politique s’intensifie. Les athlètes, eux, observent et attendent. Jusqu’à quand ?