Thomas Bach remettra-t-il le couvert ? Après douze ans de règne sur le mouvement olympique, conservera-t-il son fauteuil pour un nouveau mandat de quatre ans ? La question ne devrait pas se poser. La Charte olympique ne l’autorise pas. Dimanche 15 octobre, elle s’est pourtant invitée au premier jour de la 141ème session du CIO à Mumbai. Et elle a dominé les conversations.
La raison ? Une intervention de Mustapha Berraf, le président de l’Association des comités nationaux olympiques africains (ACNOA). Le dirigeant algérien a pris la parole dès le début de la matinée pour suggérer, sans prendre de détour, que Thomas Bach poursuive sa mission à la tête de l’instance après 2025, lorsque son double mandat – huit ans puis quatre – prendra fin.
« Dans ces temps difficiles, nous avons besoin d’un capitaine de bateau qui ait toute l’expérience nécessaire, a-t-il expliqué. Le mouvement olympique a besoin de stabilité. Au nom de l’ACNOA et de ses membres, je propose que Thomas Bach prolonge son mandat pour quatre années supplémentaires. »
L’idée aurait pu en rester là. Mais elle a été reprise au vol par trois autres membres de l’instance. Le Dominicain Luis Mejia Oviedo a pris la parole pour déclarer : « Nous devons absolument conserver le leadership dont vous avez fait preuve à la tête de cette organisation. » Puis le Paraguayen Camilo Perez Moreira a repris le même refrain, entonné également par la Djiboutienne Aïcha Garad Ali.
A la tribune, Thomas Bach a semblé surpris. Il a laissé parler les uns et les autres, avant de prendre à son tour la parole. « Je peux résumer ces interventions et tout d’abord vous remercier très, très sincèrement pour vos aimables paroles de soutien, a répondu Thomas Bach. Ces mots de soutien ne s’adressent pas seulement à moi. Ils s’adressent à nous tous. Je ne cacherai pas qu’ils me sont allés droit au cœur. Vous savez à quel point j’insiste toujours sur notre unité, j’apprécie ce soutien, cette amitié et cet amour. »
Thomas Bach aurait pu clore le débat en assurant qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat. Il aurait pu boucler l’affaire en accompagnant ses mots de reconnaissance par un non ferme et définitif. Il ne l’a pas fait. Tout juste a-t-il expliqué qu’il était « très fidèle à la Charte olympique », pour en avoir été l’un des auteurs. Mais Jean-Christophe Rolland, le président de World Rowing, l’a résumé un peu plus tard : « Il n’a pas fermé la porte. »
La scène n’était pas attendue. Elle en a surpris beaucoup, dans l’assistance, mais certains l’avaient anticipée. « J’en avais entendu parler hier soir », a reconnu l’Australien John Coates à l’heure de la pause déjeuner.
Thomas Bach était le premier prévenu. Mustapha Berraf l’a reconnu plus tard devant les médias : « Cette proposition n’est pas une idée personnelle. Elle vient de l’ACNOA et des membres africains du CIO. Nous en avons discuté lors d’une réunion à Paris. Puis j’en ai parlé à Thomas Bach à l’occasion des Jeux asiatiques à Hangzhou. Il n’a pas répondu. Mais je sais que la majorité des membres avec qui j’en ai discuté y sont favorables, surtout parmi les fédérations internationales. Nous avons besoin de stabilité. »
Suffisant pour inverser le cours de l’histoire ? Pas sûr. John Coates l’a précisé devant l’assistance : une modification de la Charte olympique ne se décide pas en un claquement de doigts. Elle impose un processus précis et demande du temps.
Une motion doit d’abord être soumise à la commission légale du CIO, puis éventuellement discutée en commission exécutive, et enfin proposée à la session, au moins 30 jours avant sa réunion. Pour être validée, la révision de la Charte olympique exige une majorité des deux tiers. Dans tous les cas, rien se passera avant l’été 2024.
Seule certitude : l’épisode ne se terminera pas avec la fin de la session, mardi 17 octobre à Mumbai. Mustapha Berraf l’a assuré : l’ACNOA n’abandonnera pas son projet. « Nous allons déposer une motion devant la commission légale, a expliqué l’Algérien. Nous verrons bien comment évoluera le processus. »