La flambée des budgets des grands événements sportifs internationaux ne touche pas seulement les Jeux olympiques. Les Jeux de la Francophonie, nettement plus modestes dans leurs dimensions et leur programme, sont frappés à leur tour. Sans ménagement.
Près de trois mois après la clôture de la dernière édition du rendez-vous sportif et culturel, organisée du 28 juillet au 6 août 2023 à Kinshasa, la polémique enfle en République démocratique du Congo (RDC) sur le coût réel des Jeux. A en croire le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, il aurait atteint presque sept fois le budget initial. Initialement établi à 48 millions de dollars, il se serait finalement monté à 324 millions
L’inflation aurait gagné tous les secteurs de l’organisation. Les travaux, en tête de liste, mais également la partie plus opérationnelle. En cause, les retards dans la construction et la rénovation des sites de compétition et du village des athlètes, longtemps jugés irrémédiables, et la crainte de perdre l’organisation de l’événement.
Nicolas Kazadi l’a détaillé : « Le budget des opérations est passé de 12 à 78 millions de dollars, tandis que les dépenses en investissements sont passées de 36 à 246 millions de dollars. Le temps nécessaire pour organiser ces Jeux est passé de quelques mois à environ trois ans, révélant ainsi des erreurs de planification et de gestion« .
Pour rappel, les Jeux de la Francophonie avaient initialement été attribués au Nouveau-Brunswick, mais en janvier 2019 la province canadienne a annoncé sa décision de renoncer, évoquant un manque de budget. La RDC s’est ensuite portée candidate pour récupérer une édition prévue en 2021. La crise sanitaire, puis le retard dans la préparation, en ont repoussé la tenue à deux reprises, en 2022 puis finalement 2023.
Pour le ministre congolais des Finances, les retards dans les travaux et le double report de l’événement n’expliquent pas tout. Nicolas Kazadi désigne un autre responsable : Isidore Kwandjia, le directeur du comité d’organisation.
« Le directeur a signé des ordres de paiement pour certains bénéficiaires qu’il avait envisagé de recruter lui-même, sans disposer de la provision budgétaire nécessaire, ce qui ne devrait pas se produire, a-t-il expliqué. Nous sommes en train de donner la priorité aux paiements en fonction des besoins. Ceux qui ont effectivement travaillé recevront leur dû. Mais on ne peut pas accepter que la gestion soit faite avec une forme de légèreté. »
Pointé du doigt, Isidore Kwandja n’a pas tardé à réagir. Il a assuré que la gestion de l’organisation avait été rigoureuse, transparente et judicieuse. Il a rappelé que toutes les opérations financières avaient été supervisées par l’Inspection générale des finances (IGF). Surtout, il conteste les chiffres rapportés par le ministre des Finances.
« Nous sommes surpris d’apprendre sur les réseaux sociaux que le coût des Jeux aurait atteint 324 millions de dollars, alors que le budget initial était de 66,9 millions d’euros, que nous n’avons pas encore reçus en totalité, a-t-il précisé sur son compte X (ex Twitter). Où sont passés ces fonds et qui les a gérés ? Si le budget a dépassé les prévisions, les raisons doivent être recherchées ailleurs, et non au sein de la direction nationale des Jeux, qui a maintenu une gestion rigoureuse. »
Qui dit vrai ? A ce stade, difficile de trancher. Mais Isidore Kwandja l’a reconnu à plusieurs reprises au cours des derniers mois précédant l’événement : la RDC a mis les bouchées doubles pour boucler les travaux dans les temps. Une urgence à finir qui lui a sans doute coûté très cher.
Le directeur du comité d’organisation a également confié avoir dû puiser dans les caisses pour répondre aux exigences de certaines délégations étrangères. « A la demande de la France et de la Wallonie-Bruxelles, nous avons fait venir en avion un nouveau revêtement pour la piste d’athlétisme, a-t-il révélé à FrancsJeux en juillet dernier, à quelques jours de l’ouverture. Il nous en a coûté 2,3 millions de dollars. Tout cela pour apprendre finalement que la France et la Wallonie-Bruxelles n’enverraient pas d’athlètes… »
Seul certitude, l’héritage des Jeux de la Francophonie 2023 est déjà une réalité en RDC. Depuis la fin de l’événement, le pays a obtenu l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations féminine de handball en 2024. Il est également officiellement candidat à l’accueil des 14èmes Jeux Africains, prévus en 2027.