Thomas Bach cultiverait-il un goût prononcé pour la répétition ? Depuis ces derniers mois, le président du CIO se sert des mêmes mots, ou au moins des mêmes thématiques, pour s’adresser au mouvement olympique. L’indispensable unité en ces temps de tensions géopolitiques, l’émergence des sports électroniques et la création des Jeux olympiques de l’eSport, les perspectives offertes par l’intelligence artificielle.
Invité à prononcer l’allocution de bienvenue au Forum des fédérations Internationales, lundi 13 novembre à Lausanne, Thomas Bach a resservi aux participants un discours déjà entendu le mois dernier en ouverture de la 141ème session du CIO à Mumbai. Il a repris les mêmes thèmes, unité, eSport, IA. Mais en leur donnant, cette fois, une dimension encore plus politique.
Il a évoqué le contexte géopolitique du moment, suggérant que le sport pouvait jouer un rôle « unificateur » en ces temps très troublés. « Notre rôle est clair : unir – et ne pas aggraver les dissensions », a poursuivi Thomas Bach, insistant longuement sur l’indispensable autonomie du mouvement sportif.
« Votre autonomie en tant que fédération internationale de sport est menacée, a-t-il assuré devant son auditoire. D’aucuns voudraient décider de la participation de quels athlètes à quelles compétitions. D’autres aimeraient décider du lieu où les compétitions devraient se tenir. D’autres encore souhaiteraient organiser leurs propres événements sportifs dans une optique politique. Dans ce dernier cas en particulier, cela signifierait qu’un gouvernement prendrait le contrôle du sport international. Si tel était le cas, votre rôle et celui du mouvement olympique deviendraient obsolètes. »
Puis le président du CIO a pointé du doigt, sans la nommer, la Russie et sa volonté d’organiser l’an prochain ses propres compétitions internationales multisports. En tête de liste, les Jeux des BRICS, annoncés pour le mois de juin à Kazan. Le CIO n’en veut pas. L’instance appelle même les fédérations internationales à leur tourner le dos.
« J’invite chacun à s’opposer à cette politisation du sport, a martelé Thomas Bach à la tribune, lundi 13 novembre, devant un parterre de présidents et représentants des fédérations internationales. Aucun d’entre nous ne doit participer de quelque manière que ce soit à de tels événements prétendument sportifs à visée politique. »
Le message est clair : le CIO appelle à un boycott d’un événement où la Russie espère attirer au moins les pays des BRICS (Brésil, Chine, Inde et Afrique du Sud), et si possible une poignée d’autres parmi les nations non alignées. L’ambassadeur du Brésil à Moscou à récemment suggéré que son pays pourrait répondre favorablement à l’invitation.
Hasard du calendrier, la Russie a levé le voile, mardi 14 novembre, sur ses premiers Jeux du Futur. Ils doivent se tenir du 21 février au 3 mars 2024 à Kazan. Au programme, un mélange de disciplines sportives traditionnelles et de sports électroniques, avec une utilisation de la robotique, la réalité augmentée (AR) et virtuelle (VR), et bien sûr l’intelligence artificielle (AI). En jeu, un pactole de 25 millions de dollars.
Preuve de l’importance de l’événement : Vladimir Poutine lui-même a tenu à marquer la date de J – 100 jours avant l’ouverture. Le chef du Kremlin a enregistré une vidéo destinée aux futurs participants. « Le sport représente pour nous bien plus qu’une simple compétition de force ou d’habileté, ou le fondement d’un mode de vie sain et actif, explique-t-il dans son message. Le sport est un symbole et une incarnation de la justice, de l’égalité et de l’humanisme, un moyen de promouvoir la compréhension entre les pays et les nations. L’importance fondamentale du sport et les principes de l’Olympisme constituent la philosophie même des Jeux du Futur, qui sont nés en Russie. L’idée même de réunir les sports classiques et les cyber-sports reflète l’image d’une Russie ouverte à tout ce qui est nouveau, tournée vers le progrès et capable en même temps de combiner harmonieusement son héritage original et la modernité. »
A J – 100 des Jeux du Futur, la Russie a également dévoilé la mascotte de l’événement. Un oiseau de feu, dessiné par des étudiants du Tatarstan. Selon la version officielle, il a été choisi comme un symbole de paix. Fallait oser.