La tendance n’est pas nouvelle, mais elle se renforce. A moins de 250 jours des Jeux de Paris 2024 (J – 249), le mouvement olympique oppose un front uni face à la Russie, et surtout à sa volonté de glisser dans le calendrier international ses propres compétitions.
Le CIO a montré la voie. En début de semaine passée, Thomas Bach a profité du Forum des fédérations internationales, à Lausanne, pour appeler à un boycott des compétitions multisports annoncées par la Russie pour l’été prochain. En tête de liste, les Jeux des BRICS au mois de juin à Kazan, puis les Jeux de l’Amitié en septembre à Moscou et Yekaterinburg.
Dans le même temps, l’instance a alerté les comités nationaux olympiques sur le danger de répondre à l’invitation russe, les invitant à refuser de participer aux événements.
L’Agence mondiale antidopage (AMA) se joint aujourd’hui au mouvement. Réunis en fin de semaine passée à Montréal, son comité exécutif et le conseil de sa fondation ont évoqué longuement la question russe. Pas surprenant. Mais, moins attendu, ils ont également débattu de l’organisation en 2024 des Jeux de l’Amitié (15 au 29 septembre 2024).
Witold Banka, le président de l’AMA, l’a déclaré au deuxième jour de la réunion : « Les soi-disant Jeux de l’Amitié en Russie ont été annoncés pour l’année prochaine. Nous voudrions lancer un avertissement, car nous avons de sérieux doutes quant aux perspectives en matière de lutte contre le dopage. Cet événement éventuel sera organisé dans un pays qui ne respecte pas les règles, et nous n’avons aucune information sur le programme antidopage pendant ces compétitions. »
L’ancien ministre des Sports polonais a poursuivi : « L’Agence russe antidopage (RUSADA) n’a toujours pas atteint le statut de conformité. De notre point de vue, ces compétitions mettent en péril la santé des athlètes. La participation éventuelle à ces événements pourrait avoir, pour les athlètes, certaines conséquences. »
Même son de cloche chez Olivier Niggli, le directeur général de l’AMA. Emboitant le pas de son président, le Suisse alerte lui aussi sur les « dangers » à envisager une participation aux Jeux de l’Amitié. « Nous ne disposons d’aucune information sur le type de programme antidopage qui sera mis en place, le cas échéant, lors de cette manifestation, ni sur l’organisme qui mettra en œuvre ce programme, étant donné que la RUSADA n’est toujours pas en conformité avec le Code mondial antidopage, insiste-t-il. En vertu du code, une manifestation internationale comme celle-ci ne devrait pas être attribuée à un pays dont l’organisation nationale antidopage n’est pas conforme. Dans ce contexte, comment les athlètes peuvent-ils être sûrs qu’ils concourront dans un environnement sûr et équitable ? »
Le message est clair. Et les rôles parfaitement distribués. Au CIO l’argument politique. « Aucun d’entre nous ne doit participer de quelque manière que ce soit à de tels événements prétendument sportifs à visée politique », a martelé Thomas Bach lundi 13 novembre à Lausanne devant les fédérations internationales. A l’AMA le discours plus pragmatique, sur les risques d’un événement organisé par un pays toujours mis à l’écart pour ses antécédents sur le terrain du dopage.
Les arguments seront-ils dissuasifs ? Probable. Certes, l’ambassadeur brésilien à Moscou a récemment suggéré que son pays pourrait participer aux Jeux des BRICS. Mais sa déclaration n’a pas été relayée par le mouvement sportif. Quant aux Jeux de l’Amitié, remis au goût du jour par la volonté de Vladimir Poutine quarante ans après leur seule édition, organisée en 1984 en Union Soviétique, leur participation était déjà très floue. Elle devient aujourd’hui plus qu’incertaine.