Son avenir olympique n’est pas menacé, il s’annonce même radieux. Pour la première fois de l’histoire, l’aviron vivra les Jeux sur deux terrains différents, à Los Angeles en 2028. A la discipline dite classique, disputée en bassin, le CIO a accepté lors de sa session de Mumbai, en octobre dernier, d’ajouter une nouveauté, le beach sprint (photo ci-dessus).
World Rowing, son instance internationale, pourrait rouler des mécaniques. Elle a été la seule fédération dont la proposition d’une nouvelle discipline pour les Jeux de Los Angeles 2028 a été acceptée par la commission exécutive du CIO. Très fort. Mais cette performance ne suffit pas à masque la réalité : l’aviron a besoin de changer. Il doit se renforcer, grandir, augmenter ses revenus. Dans le cas contraire, son avenir pourrait s’avérer délicat.
Pourquoi ? Comment ? Vincent Gaillard, le directeur exécutif de World Rowing, a détaillé pour FrancsJeux la stratégie de l’instance pour trouver un nouveau souffle.
Le constat. Il est double. L’aviron a perdu en audience et en visibilité. La faute à une concurrence plus féroce que jamais dans le mouvement olympique, et à une certaine réticence à lancer les réformes de son calendrier et de ses compétitions. Dans le même temps, World Rowing est confrontée, comme le reste du mouvement sportif, à un mode de gouvernance de plus en plus complexe et coûteux. Pour y faire face, l’instance doit générer des revenus supplémentaires. Aujourd’hui, son budget reste trop dépendant des subventions du CIO. Pour relancer sa croissance, l’aviron aura besoin de séduire de nouveaux partenaires en dehors de son seul univers.
La stratégie. Elle est construite sur le long terme. Un plan à 15 ans, pas moins, avec des étapes intermédiaires, différentes d’une discipline à l’autre. World Rowing a lancé une vaste consultation, pour l’essentiel de ses fédérations nationales. Elle entend prendre son temps. Mais l’instance présidée par le Français Jean-Christophe Rolland, par ailleurs membre du CIO, n’avancera pas seule. Elle se fera accompagner par des professionnels, dont des agences de marketing, pour la recherche de partenaires privés et pour son évolution digitale.
L’aviron traditionnel. L’actuelle discipline olympique, dite « classique« , est la plus concernée par le besoin d’un nouveau souffle. Son calendrier sera transformé, c’est une certitude. Il pourrait même subir une profonde cure de jeunesse, World Rowing ne s’interdisant rien. Tout sera revu, à commencer par la Coupe du Monde et les championnats du monde. Les travaux ont débuté par une consultation à l’échelle planétaire. Ses résultats seront discutés lors du congrès en 2025. Les changements possible : un allègement du programme des Mondiaux, pour gagner en simplicité, et une saison de Coupe du Monde plus resserrée dans le temps. Il est également envisagé de distribuer à chaque étape de la Coupe du Monde des points de qualification aux Mondiaux, afin d’inciter les équipes nationales à disputer toute la saison. Le nouveau calendrier international est annoncé pour 2029.
L’aviron de mer. L’arrivée du sprint de plage (beach sprint) aux Jeux de Los Angeles 2028 en est l’illustration la plus spectaculaire : l’aviron de mer peut contribuer à gagner de nouveaux territoires. Il peut amener la discipline dans tous les pays dépourvus de bassins de 2.000 m, mais dotés de côtes ou de lacs. Ils sont nombreux. World Rowing a déjà posé les jalons d’une nouvelle ligue ouverte à des franchises privées, soutenue par un partenaire. Lancement prévue en 2026/27.
L’aviron indoor. Un autre marché à conquérir, avec des perspectives alléchantes. Pas moins de 25 millions de rameurs d’intérieur seraient actuellement en service, dans les clubs, les salles de fitness, mais aussi chez les particuliers. Et ce chiffre ne cesse ne grimper. Objectif de World Rowing : fédérer les rameurs indoor, un peu partout sur la planète, en leur proposant des contenus connectés, des programmes d’entraînement, des conseils. En parallèle, l’instance muscle son calendrier de compétitions. Une première édition des championnats du monde indoor en mode hybride – sur place et à distance – s’est tenue cette année à Toronto. La deuxième est prévue en février prochain à Prague. L’aviron figurait au programme de l’édition inaugurale de la Semaine olympique de l’eSport, en juin dernier à Singapour. L’expérience pourrait être prolongée aux Jeux olympiques des sports électroniques, dont la création a été annoncée par Thomas Bach lors de la dernière session du CIO.
Les athlètes. World Rowing le sait : les rameurs manquent de visibilité. Dans un sport où le collectif a toujours été privilégié à l’individu, « vendre » des champions au public, aux médias et aux marques n’est pas simple. Mais l’instance semble déterminée à inverser le cours des choses. Dans sa boîte à idées, un système de classement qui permettrait d’établir une hiérarchie planétaire, et ainsi de mieux personnaliser la discipline.
Le coup de pouce. Surprise : il pourrait venir d’Hollywood, avec la sortie annoncée pour la fin d’année d’un film tout entier consacré à l’aviron. « The Boys in the Boat », tiré d’un livre de Daniel James Brown, raconte la victoire du huit de l’université de Washington, sacré champion olympique aux Jeux de Berlin en 1936. A la réalisation, Georges Clooney. L’assurance d’un succès au box-office.