Les athlètes russes sont prévenus : leur avenir olympique ne dépend pas seulement, comme certains pouvaient le croire, de la seule décision du CIO. Il se joue aussi à Moscou. Surtout à Moscou.
A 221 jours de l’ouverture des Jeux de Paris 2024, la question de leur participation au prochain rendez-vous olympique reste entière. L’annonce par la commission exécutive du CIO, vendredi 8 décembre, d’un feu vert à leur présence l’an prochain en France, à titre individuel et sous statut neutre, aurait dû clarifier le sujet. Mais les récentes prises de position des autorités russes rendent son issue toujours aussi incertaine.
Respectant un ordre très protocolaire, la Russie a laissé son président parler le premier. Vladimir Poutine a profité d’une conférence de presse de fin d’année pour expliquer que les conditions imposées par Lausanne devaient être « analysées » avant de commencer à réserver les billets d’avion pour Paris. En clair, rien n’est fait, même si le CIO a enfin ouvert la porte.
Deuxième à prendre la parole, Oleg Matytsin. Le ministre russe des Sports. Ancien président de la FISU, il a emboîté le pas de son supérieur au gouvernement pour faire remarquer que le CIO parlait seulement de neutralité, mais sans avoir précisé toutes les conditions d’une participation des athlètes russes aux Jeux de Paris 2024.
Enfin, moins haut placé dans la pyramide de l’appareil d’Etat, Stanislav Pozdnyakov a pris à son tour la parole. L’ancien escrimeur, président du Comité olympique russe (ROC), s’est montré plus concret dans ses déclarations. Mais il a suivi la même voie, celle du doute. Comme Vladimir Poutine et Oleg Matytsin, il a fait comprendre que la Russie n’était pas encore aux Jeux de Paris 2024.
Premier problème : la suspension du Comité olympique russe. Stanislav Pozdnyakov l’estime sans fondement. Il l’a expliqué aux médias : « Nous demandons à nos collègues de Lausanne de revenir sur cette décision et de réintégrer le ROC en tant que membre à part entière du mouvement olympique. Leur position non constructive et contradictoire à l’égard de notre organisation continue de semer la division au sein de la grande famille olympique, menaçant sa crédibilité. Les hauts responsables du CIO ont été incapables de prendre la bonne décision concernant le ROC, en raison de la pression exercée par les sponsors occidentaux. Cette pression l’emporte aujourd’hui sur le bon sens. »
Jusque-là, rien de très nouveau. La Russie ne modifie pas son discours. L’influence occidentale, la pression des partenaires. Refrain connu. Mais Stanislav Pozdnyakov s’écarte du cadre habituel en laissant entendre que le ROC pourrait pénaliser lui-même les athlètes russes qui accepteraient, en échange d’un bon d’entrée pour les Jeux de Paris 2024, le statut de neutralité imposé par le CIO. « Le ROC ne soutiendra pas les athlètes ayant un statut neutre, a-t-il assuré, cité par l’agence TASS. La liste des athlètes qui reçoivent notre aide financière ne comptera pas ceux qui auront accepté d’être des athlètes neutres. »
Le message est clair : en acceptant l’invitation du CIO de se rendre aux Jeux de Paris 2024, et par extension ses conditions, les athlètes russes pourraient se retrouver mis à l’écart du système. Cruelle perspective.
Quant au nombre de compétiteurs russes et biélorusses susceptibles de participer aux Jeux, Stanislav Pozdnyakov estime qu’il représente une « moquerie ». A ce jour, ils seraient seulement onze, entre la Russie et la Biélorussie, a précisé le CIO vendredi 8 décembre, au moment de l’annonce de la décision de la commission exécutive d’accepter des athlètes neutres issus des deux pays.
Mais, surprise, l’instance olympique en a modifié les proportions. Dans sa version initiale, le communiqué de presse évoquait huit Russes et trois Biélorusses ayant obtenu leur qualification olympique. Cinq jours plus tard, le CIO a corrigé ses propres chiffres. Ils sont désormais toujours onze, mais les Russes sont passés de huit à six, et les Biélorusses de trois à cinq.
Confus, tout cela. A tous les niveaux.