Est-ce un effet Paris 2024 ? A moins de huit mois des Jeux olympiques, il se passe quelque chose dans la francophonie sportive. Elle s’agite. Elle se montre. Surtout, elle s’organise.
A la fin du mois dernier a été annoncée la création à Paris, dans les locaux de la délégation de la Wallonie-Bruxelles, du premier réseau d’influenceurs pour une francophonie sportive. Il compte une soixantaine de membres. Aux manettes, Daniel Zielinski, le délégué ministériel à la francophonie au ministère français des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Au même moment, les représentants de 13 unions sportives francophones se sont retrouvés à Espalion, une commune de l’Aveyron (France), pour célébrer la naissance de leur association internationale (AIUSF). Elle rassemble des disciplines aussi diverses que l’athlétisme, le skateboard, le badminton, l’escrime, la lutte, le squash, le surf, le taekwondo, le tennis, le tennis de table, le tir à l’arc, le triathlon et le sport adapté.
Un hasard du calendrier ou une vraie renaissance de la francophonie sportive ? FrancsJeux a interrogé Daniel Zielinski, par ailleurs haut fonctionnaire à la langue française pour le sport.
FrancsJeux : Comment est née l’idée de créer un réseau d’influenceurs pour une francophonie sportive ?
Daniel Zielinski : Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une mission plus large qui m’a été confiée par les ministères français des Sports et de la Culture, et le secrétariat d’Etat à la Francophonie. Elle dépasse la seule perspective des Jeux de Paris 2024 pour s’étendre au-delà, pour faire en sorte que tout ne s’arrête pas après le 8 septembre, au lendemain de la clôture des Jeux paralympiques. Fin novembre, nous avons mis autour de la table une soixantaine de personnes, tous acteurs de la francophonie sportive : dirigeants d’entreprises, présidents de fédérations sportives internationales, représentants d’institutions, de ministères et de la diplomatie, sportifs… Ils se sentaient un peu isolés, ils ne se connaissaient pas forcément. Nous les avons rassemblés pour qu’ils se parlent et échangent sur les freins qu’ils rencontrent aujourd’hui, sur leurs attentes, leurs objectifs. Avec une question centrale : que faut-il mettre en place pour une meilleure francophonie sportive.
Concrètement, que peut faire ce réseau d’influenceurs ?
Nous avons préconisé 24 pistes de travail et de réflexion. Les premières sont techniques. La rédaction d’un guide des bonnes pratiques linguistiques, par exemple, ou une meilleure valorisation de la langue française dans les instances internationales, très peu d’entre elles ayant une version française de leur site Internet. Nous allons aussi créer avec l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) un diplôme de Master en gestion et organisation des grands événements sportifs internationaux (GESI). Il manque aujourd’hui des compétences, nous pouvons contribuer à créer des cadres en français. La deuxième préconisation est politique. Elle passe par une collaboration avec les ministères et la diplomatie. Cela prendra plus de temps.
Ce réseau reflète-t-il la francophonie sportive dans sa diversité internationale ?
Aujourd’hui, ses membres sont surtout français. Mais nous l’avons lancé à la délégation de la Wallonie-Bruxelles pour impliquer la Belgique. Le réseau compte déjà des représentants africains. Nous n’avons pas pu avoir de Canadiens, mais ils viendront. Nous avons initié les 60 premiers membres, mais il ne s’agit pas d’un club fermé. Le réseau va être alimenté, il va s’enrichir et se renforcer grâce à l’engagement de chacun de trouver d’autres influenceurs. Nous voulions frapper un premier coup. L’idée maintenant est de nous retrouver au moins une fois par an, deux fois en 2024, à l’occasion des Jeux de Paris et du Sommet de la Francophonie, également organisé à Paris au mois d’octobre.
L’Association internationale des unions sportives francophones vient elle aussi de voir le jour. Est-ce un hasard du calendrier ?
C’est un hasard, oui, mais les deux entités sont déjà liées. Plusieurs membres de ces unions sportives francophones sont membres du réseau. Leurs présidents seront des influenceurs. L’objectif de cette association est d’améliorer la présence des francophones dans les instances internationales. Il faut comprendre que ces initiatives ne se limitent pas à une plus grande présence de la langue française dans le mouvement sportif international. Elles répondent à une stratégie. Le sport est un marché important. Nous devons l’attaquer en français.
Avec les Jeux de Paris 2024, puis les JOJ à Dakar en 2026, les Jeux d’hiver 2030 dans les Alpes françaises et, sans doute, les Jeux d’hiver 2038 en Suisse, la francophonie sportive va-t-elle vivre ses meilleures années ?
Certainement. Mais il ne faut pas regarder seulement les rendez-vous olympiques. L’Afrique, notamment, accueille de plus en plus de grands événements. La RDC a organisé cette année les Jeux de la Francophonie, le Rwanda recevra en 2025 les championnats du monde de cyclisme sur route. Mais les compétences manquent, d’où notre idée de créer un diplôme de Master pour les GESI. L’Arménie devrait normalement être choisie comme pays-hôte des Jeux de la Francophonie en 2027. Il serait très intéressant de pouvoir ainsi former en français des cadres arméniens.