Les fortes chutes de neige ralentissent les transports, les spectateurs se font souvent rares sur les sites et la présence médiatique – hors Asie – s’avère plus que réduite. Mais le CIO peut se frotter les mains : la quatrième édition des Jeux de la Jeunesse d’hiver, la première en dehors de l’Europe, après Innsbruck en 2012, Lillehammer en 2016 et Lausanne en 2020, a déjà atteint l’une de ses cibles. A coup sûr la plus lointaine. A Gangwon 2024, les sports d’hiver gagnent en universalité.
La tendance était déjà confirmée avant même l’ouverture, vendredi 19 janvier dans l’ovale de Gangneung. L’événement a attiré en Corée du Sud des délégations de 78 pays. Cinq d’entre eux, – l’Algérie, le Nigéria, Porto Rico, la Tunisie et les Emirats arabes unis – participent pour la première fois aux JOJ d’hiver.
Le phénomène aurait pu rester seulement statistique. Une poignée de chiffres, rien de plus, contredits par la réalité du terrain. Mais les premiers jours de compétition, sur la neige comme sur la glace, forcent le trait. Les nouveaux venus ne font pas seulement le nombre. Ils brillent.
A Gangwon, les JOJ ont déjà affiché au tableau d’honneur une solide collection de premières.
Zak Carrick-Smith, 16 ans, a raflé la mise en ski alpin, au combiné, apportant à la Grande-Bretagne sa première médaille aux JOJ d’hiver depuis la création de l’épreuve. Sa mère, Emma, a participé à quatre éditions des Jeux d’hiver, entre Albertville 1992 et Salt Lake City 2002, mais sans jamais approcher le podium.
En bobsleigh, la médaille d’or du monobob féminin est tombée dans les mains d’une jeune Danoise, Maja Voigt. Historique. Nettement plus inattendu, et tout aussi historique, la médaille d’argent décrochée comme dans un rêve par une jeune… Thaïlandaise. Agnese Campeol (photo ci-dessus) a offert à son pays sa première médaille aux Jeux de la Jeunesse d’hiver. Presqu’une anomalie.
La patinoire de short-track se préparait à une razzia des jeunes pousses chinoises et sud-coréennes. Au troisième jour des compétitions, lundi 22 janvier, la glace a brouillé les cartes. L’Américain Sean Boxiong Shuai, 17 ans, s’est offert le titre olympique sur 500 m, première médaille d’or pour les États-Unis dans ce sport aux JOJ d’hiver. La Polonaise Anna Falkowska, 16 ans, a raflé le titre dans la course féminine, première médaille tous métaux confondus en short-track pour la Pologne aux Jeux de la Jeunesse.
Autre exemple : Zion Bethonico. Un jeune Brésilien. Débarqué à Gangwon accompagné de son frère aîné, Noha, il a déjà justifié son long voyage. Sa médaille de bronze remportée en snowboard cross est la première de l’histoire pour son pays. Le Brésil a participé à toutes les éditions des Jeux de la Jeunesse d’hiver depuis 2012, mais sa délégation est toujours repartie les mains vides. Avant le coup de force de Zion Bethonico, le Brésil n’avait même encore jamais été invité sur le podium aux Jeux d’hiver, toutes éditions et toutes catégories d’âge confondues.
Pas de doute possible : parmi toutes ces premières, la performance de la Thaïlandaise Agnese Campeol mérite un traitement à part. A la différence de nombreux skieurs ou patineurs « exotiques », croisés par le passé aux Jeux d’hiver, la jeune Asiatique ne passe pas l’année dans un pays de sports d’hiver. Elle habite Bangkok.
Le bobsleigh, elle en a appris les règles et les finesses dans le cadre d’un programme de développement – New Horizon – créé, financé et mis en musique par la fondation PyeongChang 2018. Elle en ignorait tout jusqu’à son premier stage de découverte, organisé par la Corée du Sud à l’intention de jeunes espoirs venus de pays sans neige ni glace.
« Au début, je ne savais pas du tout ce qu’était le bobsleigh, a expliqué Agnese Campeol à Gangwon, à sa descente du podium. Mais j’ai voulu essayer. Le bobsleigh, c’est un peu comme Hulk au volant d’une Ferrari. J’aime vraiment ça. La plupart du temps, je m’entraîne à Bangkok, où je fais du sprint et de la musculation. En Thaïlande, il n’existe pas de piste, aucun moyen de faire de la poussée sur glace. Je dois me rendre en Corée du Sud pour m’entraîner. Je viens quelques mois par an. »
Deux jeunes Tunisiennes, passées par le même programme de développement, ont marqué dans la même discipline les débuts de leur pays aux Jeux de la Jeunesse d’hiver. Beya Mokrani a pris la 10ème place, Sophie Ghorbal s’est classée deux rangs plus loin. Plus discret mais tout aussi historique.