Les dernières grandes compétitions internationales l’ont illustré une nouvelle fois, les Jeux de Paris 2024 enfonceront sans doute encore le cou : l’escrime repousse sans cesse ses frontières. La discipline gagne en universalité. La planète escrime occupe toujours plus de terrain.
Pour en parler, FrancsJeux a interrogé l’Egyptien Abdelmoneim El Husseiny (photo ci-dessous). Deux fois olympien au fleuret, aujourd’hui vice-président de la Fédération internationale d’escrime (FIE), il porte un regard plein d’optimisme sur le développement de la pratique en Afrique, et sur le potentiel des athlètes du continent.
FrancsJeux : Comment avez-vous découvert l’escrime ?
Abdelmoneim El Husseiny : Mon histoire personnelle avec l’escrime est très particulière, car elle est liée de près à un événement tragique de mon sport en Egypte. En 1958, bien avant ma naissance, l’avion qui transportait l’équipe nationale d’escrime du Caire vers les Etats-Unis, pour disputer les championnats du monde à Philadelphie, s’est écrasé. Toute la délégation égyptienne a disparu. Mon oncle était à bord. Il a fait partie des victimes. A l’époque, mon père était lui aussi escrimeur en équipe nationale. Il avait affronté mon oncle, peu avant l’accident, pour la sélection aux championnats monde. Mon oncle l’avait emporté 5-4. A une touche près, mon père aurait pu disparaître dans l’accident. Après le drame, mon père a décidé que s’il avait un jour un fils, il lui donnerait le prénom de son frère disparu. J’ai commencé l’escrime en 1979, à l’âge de 13 ans, dans un club en Egypte. Puis j’ai intégré l’équipe nationale, avec laquelle j’ai participé à toutes les grandes compétitions internationales au fleuret – championnats du monde, Jeux et championnats africains… -, dont deux éditions des Jeux olympiques. A Los Angeles en1984, puis à Séoul en 1988, où j’ai atteint les demi-finales de la compétition individuelle.
Quel a été votre parcours d’officiel, jusqu’à votre élection à la vice-présidence de la FIE ?
Après ma carrière d’escrimeur, j’ai décidé de rester dans l’escrime par le biais de l’arbitrage. Je suis devenu arbitre international. Puis l’envie m’est venue de me lancer dans une voie plus administrative. En 2004, j’ai intégré la commission marketing et promotion de la FIE. En 2021, j’ai été élu par le Congrès au comité exécutif de la FIE, puis, par le comité exécutif, à la vice-présidence.
Que représente l’escrime, en Egypte, d’un point de vue purement sportif ?
Au-delà des performances sportives, que représente aujourd’hui l’escrime en Egypte ?
Je ne dirais pas que l’escrime est un sport populaire, mais il gagne en popularité. Par le passé, nos résultats internationaux n’étaient pas suffisants pour être reconnus et suivis par le public et les médias. Mais les choses ont changé. A force de remporter des médailles dans les grandes compétitions internationales, l’escrime est devenue un sport attractif. Aujourd’hui, il est facile de trouver des informations sur l’escrime et les escrimeurs quotidiennement dans les médias nationaux. Et les Jeux de Paris 2024 pourraient encore renforcer la tendance. Nous bénéficions d’un soutien très solide du gouvernement, notamment sur le plan financier. Et, pour la première fois, la fédération égyptienne compte cinq partenaires privés.
Comment l’escrime peut-elle continuer à se développer, en Egypte mais aussi sur le continent africain ?
L’escrime reste un sport encore peu développé en Afrique, sauf dans le nord du continent, en Egypte et dans les pays du Maghreb. Mais nous travaillons dur à la Confédération africaine d’escrime pour accélérer le développement. Sur le plan technique, notamment. Depuis deux ans, la fédération égyptienne a signé avec la confédération africaine un accord de coopération, qui prévoit l’accueil dans les camps d’entraînement de nos équipes nationales de tout escrimeur africain qui souhaiterait venir s’y préparer. L’accueil est gratuit et ouvert. Il s’agit d’une première pour l’escrime en Afrique. Mais nous devons aller plus loin. Le soutien au développement ne peut pas être que technique, il doit aussi être financier. J’en suis absolument convaincu : avec plus de moyens, l’Afrique pourrait présenter des escrimeurs de très haut niveau.