L’affaire était sérieuse. Tellement sérieuse qu’elle a été étirée comme une soirée d’été pendant près de six ans. Mais le résultat l’atteste : pour les médailles olympiques et paralympiques, comme pour à peu près tout le reste, Paris 2024 ne veut rien faire comme les autres.
Les médailles, donc. Elles ont été officiellement présentées jeudi 8 février, à 169 jours de l’ouverture des Jeux olympiques. De loin, elles apparaissent classiques. Rondes, en or, argent ou bronze, avec un ruban de couleur.
Mais l’impression de déjà-vu se révèle trompeuse. Sans craindre l’excès d’audace, et dans le respect du strict cahier des charges du CIO, Paris 2024 a eu l’idée d’y apporter une touche unique : un morceau de la Tour Eiffel. Il figure au centre de chacune des médailles, olympiques et paralympiques, sous une forme hexagonale.
Martin Fourcade, l’ancien biathlète multiple médaillé olympique, président de la commission des athlètes du COJO Paris 2024, l’a expliqué sans avoir à chercher ses mots : « Dès les premières discussions en 2018, nous nous sommes demandés ce que doit être une médaille pour un athlète. Elle est symbolique, mais pas seulement. Elle doit faire du sens, être belle et attractive. La médaille est le seul souvenir matériel des Jeux. Avec ce morceau de la Tour Eiffel, les médaillés des Jeux de Paris 2024 ramèneront un bout d’histoire, mais aussi un bout de la France et de son patrimoine. »
Voilà pour l’idée. La démarche, maintenant. Elle a conduit le COJO à sortir de ses bureaux pour aller frapper à plusieurs portes.
Sa trouvaille en poche, l’équipe du design du comité d’organisation, conduite par son directeur Joachim Roncin, s’est d’abord rendue à la Société d’exploitation de la Tour Eiffel (SETE). Sa demande, en substance, a été la suivante : « Nous aurions besoin d’un peu de la Tour Eiffel pour nos médailles. Possible ? »
La réponse a été positive. Il a été expliqué aux envoyés du COJO que, la Tour Eiffel nécessitant une maintenance régulière, un important stock de ferrailles était conservé dans un lieu tenu secret. Sous réserve d’être décapé, traité et vernis, le matériau pourrait faire l’affaire. Précision : la SETE a cédé gracieusement ses rebuts au comité d’organisation.
Deuxième étape : dénicher un maître d’ouvrage. Choix évident, et même contractuel : Paris 2024 s’est tourné vers le groupe LVMH, l’un de ses partenaires premium.
L’une de ses nombreuses marques, la maison Chaumet, a été sollicitée pour imaginer une médaille sertie d’un morceau de la Tour Eiffel. « Nous avons réalisé une série de croquis, avec la volonté de la traiter comme un bijou, comme une commande vraiment spéciale », explique Clémentine Massonnat, responsable de la création de l’historique maison française, créée avant la Révolution française.
Un passage par Lausanne, où l’équipe de Paris 2024 a présenté en grand secret ses joyaux au CIO, a bouclé la phase de conception. Joachim Roncin l’assure une main sur le coeur : « Le CIO a été séduit dès le départ, ils ont trouvé l’idée géniale. »
La suite, et fin, fait intervenir un dernier acteur. La production des 5.084 médailles – 2618 pour les Jeux olympiques, 2466 pour les paralympiques, soit plus que le nombre prévu de médaillés, afin de tenir compte des contingences établies par le CIO – sera confiée à la Monnaie de Paris.
Les chiffres, enfin. Chaque médaille affiche un diamètre de 85 mm, pour une épaisseur de 9,2 mm. Leur poids varie selon le métal : 529 grammes pour l’or, le plus lourd ; 525 pour l’argent ; 455 pour le bronze. L’insert Tour Eiffel pèse 18 grammes.
La couleur du ruban diffère entre les Jeux olympiques (bleu) et paralympiques (rouge). Mais toutes les médailles auront le nom de la discipline sportive concernée gravée sur la tranche. Le COJO fera également graver en braille le nom Paris 2024 sur les exemplaires destinés aux médaillés paralympiques.