Son nom est étroitement associé à l’histoire récente du CIO. Denis Owald, 76 ans, entré dans l’institution olympique en 1991, figure aujourd’hui au sixième rang des membres actifs par ordre d’ancienneté. L’ancien rameur suisse siège à la commission exécutive depuis 2017, après un premier bail de douze ans au début des années 2000.
Un historique de l’instance, dont l’analyse du mouvement olympique ne verse jamais dans la langue de bois. Présent le mois dernier aux Jeux de la Jeunesse d’hiver à Gangwon, il a longuement évoqué pour FrancsJeux quatre des dossiers les plus débattus de l’actualité olympique.
Le nouveau processus de sélection des villes-hôtes
« La réforme était nécessaire car l’ancien processus, avec une phase de candidature et un vote de la session, présentait des failles. Il faisait intervenir beaucoup trop d’acteurs – lobbyistes, consultants – qui coûtaient aux villes beaucoup de temps et d’argent, et leur laissaient croire en leurs chances. Il a aussi entraîné une course aux voix, avec les dérives que l’on a connues. Les membres du CIO n’avaient pas tous la connaissance technique du dossier. Ils votaient selon des motivations qui n’assuraient pas toujours le meilleur choix. Et puis, cette réforme a été lancée à un moment où nous manquions de candidatures. Pour les Jeux d’hiver 2022, il y avait seulement la Chine et le Kazakhstan, ce qui n’était pas l’idéal en termes de droits humains. Aujourd’hui, le dialogue avec les villes intéressées débute beaucoup plus tôt. Il permet de les accompagner, de leur éviter de se lancer dans des constructions coûteuses et peu utiles, d’écarter rapidement les dossiers sans aucune chance de succès. Il n’existe plus de calendrier établi, ce qui permet de décider beaucoup plus tôt. Pour Brisbane 2032, nous avons sécurisé très en avance une candidature qui aurait pu, avec le temps, perdre sa mobilisation. Bien sûr, le nouveau processus écarte les membres de la décision. La proposition présentée en session est quasiment impossible à ne pas approuver. Le vote devient une formalité. Mais une formalité pour le bien des Jeux. »
La question de la participation des athlètes russes et biélorusses aux Jeux de Paris 2024
« Elle a été très délicate pour le CIO. La commission exécutive s’est réunie très souvent pour en débattre, avec à un moment des réunions en visioconférence presque toutes les semaines. Dans un premier temps, ce qui a été perçu comme des sanctions contre les athlètes était en réalité des mesures de protection, pour assurer la sécurité et la régularité des compétitions. Puis nous avons consulté. Les comités nationaux olympiques, les commissions des athlètes… Il s’est avéré que la grande majorité des athlètes était favorable à un retour des Russes et Biélorusses dans le jeu. A la commission exécutive, nous nous sommes alors dit que le moment était venu de revoir notre stratégie. Mais les critères que nous avons définis sont assez stricts pour que la délégation d’athlètes neutres soit peu nombreuse à Paris 2024. Selon nos estimations, les Russes ne devraient pas être plus de 50 ou 60, contre 350 habituellement. Vladimir Poutine a dit qu’il n’empêcherait pas leur participation, mais son discours est politique. Au final, je pense que nous avons trouvé le juste milieu. Ecarter des athlètes sur la seule possession d’un passeport était en contradiction avec les valeurs et la Charte olympiques. Nous voulions respecter un principe des Jeux : rassembler et ne pas diviser. »
La création prochaine des Jeux olympiques des sports électroniques
« L’annonce de Thomas Bach en ouverture de la session de Mumbai, l’an passé, en a surpris beaucoup. Mais il faut se rappeler que l’Agenda 2020+5 prévoit d’intégrer la communauté des sports électroniques, pour que ses membres appliquent les valeurs olympiques et pour les amener à pratiquer des disciplines plus actives. On parle de 3 milliards de personnes dans monde. Il était difficile de les laisser de côté. Nous ne voulions pas que le train parte sans que le CIO s’implique. Notre idée était également d’inciter les fédérations internationales à intégrer les sports électroniques. Pour toucher une communauté plus large, mais aussi pour des raisons commerciales. Les intérêts financiers sont importants, mais les jeux appartiennent à des éditeurs et des entreprises privés. Les fédérations internationales doivent pouvoir prendre leur part. Le lancement des Jeux olympiques de l’eSport a été annoncé par Thomas Bach, certes, mais nous ne sommes pas allés très loin dans cette idée. Elle va être discutée. Le Japon a exprimé son intérêt pour les accueillir. Mais une chose est sûre : les sports électroniques ne seront pas intégrés au programme des Jeux olympiques. Ils auront des événements à part. »
La Suisse retenue en phase de dialogue privilégié pour les Jeux d’hiver 2038
« L’histoire de cette candidature aux Jeux d’hiver est assez inattendue. Après les échecs successifs, le comité olympique suisse ne voulait plus y aller. Mais la fédération suisse de ski s’est rendue compte que le pays organisait entre 2022 et 2030 des championnats du monde ou des Coupes du Monde dans toutes les disciplines des Jeux d’hiver, sauf le patinage de vitesse. L’idée s’est alors imposée : pourquoi ne pas se mettre ensemble et préparer une candidature. Le projet des Jeux de toute la Suisse est né ainsi. A un moment, certains ont même pensé que la décision serait automatique : réunir tous ces événements pour avoir les Jeux. Avec un projet national, et non plus porté par un canton, le risque d’un référendum qui fasse tout tomber à l’eau était quasiment nul. Mais les votations, et le fait que tout prend plus de temps en Suisse qu’un peu partout ailleurs, nous collent à la peau. La candidature avait pu recueillir des déclarations d’intention verbales de la part des différents niveaux de décision, mais pas d’engagements formels. La commission de futur hôte a estimé que la Suisse manquerait de temps, pour 2030, pour obtenir les garanties nécessaires, localement et au plan national. Pour 2034, il était acquis que les Jeux revenaient à Salt Lake City. Elle a dit aux Suisses : prenez le temps de finaliser votre dossier, avec tous les soutiens nécessaires. Ils ont maintenant deux ou trois ans pour y parvenir. Ca devrait être suffisant. Mais la Suisse s’est sentie victime de son système démocratique. »