A 120 jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024, le sujet ne devrait plus faire l’actualité. A quatre mois de l’échéance, il devrait être question de sport, déjà, ou au moins de la préparation des sites et du décor.
Mais un numéro de l’émission Complément d’enquête, diffusé ce jeudi 28 mars sur France 2, relance le débat sur le budget du COJO Paris 2024. Avec un coup de projecteur sur les salaires des équipes du comité d’organisation dont Tony Estanguet et sa garde rapprochée se seraient bien passés, à l’attaque du dernier tour de piste avant la livraison de l’événement.
Pour avoir eu accès à une note budgétaire interne de 106 pages en date du 11 décembre 2023, destinée au conseil d’administration du COJO, l’enquête du groupe audiovisuel public révèle la masse salariale globale du comité d’organisation depuis sa création. Elle s’élève à 584,8 millions d’euros.
Un peu plus d’un demi-millard d’euros, donc, pour un staff dont les premiers salariés ont été embauchés à la fin de l’année 2017, quelques mois après l’attribution par la session du CIO des Jeux à la capitale française. Ils étaient alors une trentaine. Ils seront très bientôt environ 4.000.
Dans un budget dont la dernière mouture se monte à 4,4 milliards d’euros, la somme n’a rien d’extravagant. Michaël Aloïsio, le directeur général délégué du COJO, l’explique : « Lorsque vous organisez les Jeux olympiques, vous avez besoin des meilleurs experts au monde, et donc il n’est pas anormal que notre principal poste de dépense soit sur cette expertise. » Pas faux. Mais, plus gênant pour une équipe vantant régulièrement sa maitrise des coûts, la masse salariale se révèle supérieure de 115 millions d’euros au montant affiché en phase de candidature.
Un autre document utilisé par Complément d’enquête, un pré-rapport de la Cour des comptes daté de mars 2021, détaille la grille salariale des dirigeants du COJO. Il révèle que 13 directeurs sont rétribués à hauteur de 153.000 euros brut annuels, que huit directeurs exécutifs sont payés plus de 200.000 euros. Le salaire du directeur général, Etienne Thobois, est également pointé : 260.000 euros par an.
Jusque-là, rien de très nouveau. Et pas vraiment de quoi hurler aux loups. Le COJO est destiné à disparaître, et avec lui les emplois de directeurs ayant pour beaucoup abandonné des postes plus durables. Surtout, le comité d’organisation fonctionne avec un budget composé pour 96 % d’argent privé. Les salaires de son personnel ne sont donc pas prélevés sur des fonds publics.
Mais, plus embarrassant, l’émission de France 2 assure que certains salaires de la direction ont augmenté, parfois de façon importante, au cours de l’année 2023. Une période où le COJO a pourtant répété régulièrement serrer à fond tous les boulons pour rester dans les clous de son budget, malgré une inflation galopante.
En tête de liste, la directrice de la communication, Anne Descamps. Son salaire aurait augmenté de 45.000 euros. Claudia Rouaux, la députée d’Ille-et-Vilaine, s’en étonne dans Complément d’enquête. « Il y a même une directrice de la communication qui voit son salaire passer de 150 à 195.000 euros annuels. Vous vous rendez compte ? », relève l’élue socialiste comme si elle découvrait les faits, alors qu’elle siège depuis septembre dernier au comité des rémunérations du COJO Paris 2024.
Sur ce cas précis, le COJO s’explique et assume. Il évoque la parité, l’un des mots clés des Jeux de Paris 2024, les premiers où le nombre de médailles sera identique pour les hommes et les femmes. « Nous avions un sujet qui nous tient particulièrement à cœur : celui de l’égalité salariale, se défend le comité d’organisation. Notre comité des rémunérations nous avait alertés sur certains profils féminins qui n’étaient pas à la hauteur des meilleurs salaires. Cette situation a donc été corrigée avec la promotion de cette directrice en tant que directrice exécutive. Et le montant du salaire associé à cette fonction (195.000 euros par an) est à la hauteur des responsabilités sur ce type de poste. »
Mais Claudia Rouaux insiste : « Les Jeux olympiques sont censés être un moment populaire. Il y a 40 000 bénévoles parce que le COJO n’avait pas, a priori, les moyens de payer trop de salariés. Les bénévoles doivent se déplacer et se loger à leurs frais. Donc, ça va leur coûter de l’argent… Quand je fais le parallèle avec toutes ces rémunérations pour les organisateurs, je suis heurtée ! »
Hasard du calendrier, Tony Estanguet était auditionné, mercredi 27 mars, devant une commission parlementaire. Le président du COJO a expliqué patiemment le pourquoi et le comment d’un dossier qu’il aimerait bien ranger pour de bon, et pouvoir se concentrer sur l’essentiel, la livraison des Jeux. « Le montant de la masse salariale, 584 millions d’euros, représente 13 % du budget du comité, plutôt inférieur par rapport au dernier comité d’organisation des Jeux (Tokyo 2020) et à beaucoup d’entreprises, a-t-il répondu aux parlementaires. Il est demandé à cette équipe de faire ce qui n’a jamais été fait dans ce pays. (…) Cela a été encadré par des experts qui ont validé une grille de rémunération. » Fin de l’histoire ? Pas sûr.