Prévisible. La décision de World Athletics de récompenser d’un chèque de 50.000 dollars les médaillés d’or en athlétisme aux Jeux de Paris 2024, annoncée par surprise la semaine passée, ne fait pas l’unanimité dans le mouvement olympique. Au moins une voix se fait entendre pour condamner l’initiative historique de l’instance et de son président, Sebastian Coe. Elle n’est pas anodine.
L’Anglais Steve Redgrave (photo ci-dessus), légende vivante de l’aviron, quintuple champion olympique en quatre et en deux de pointe, l’a suggéré au Daily Mail : l’idée de World Athletics n’est pas bonne. Elle pourrait même avoir des conséquences désastreuses au sein du mouvement sportif international.
« J’ai été très surpris, a expliqué Steve Redgrave, aujourd’hui âgé de 62 ans. Si vous gagnez une médaille d’or olympique dans n’importe quelle épreuve d’athlétisme, vous pouvez tirer des gains financiers substantiels de ce résultat. Je trouve cela un peu difficile pour les autres sports, ceux qui ne peuvent pas se le permettre. L’aviron est dans cette situation. Nous avons du mal à trouver des sponsors et des financements. »
Pour l’ancien rameur britannique, World Athletics risque de créer un fossé entre les « sports d’élite », comme l’athlétisme, où les moyens financiers permettent de rémunérer les meilleurs athlètes dans les grandes compétitions, et les autres, moins fortunés, où une telle perspective n’est pas envisageable. Un écart entre deux mondes qui pourrait bien grandir encore au cours des années à venir, l’instance mondiale de l’athlétisme ayant déjà annoncé son intention d’étendre le prize money aux médaillés d’argent et de bronze à compter des Jeux de Los Angeles 2028.
« Cela distingue les sports d’élite des autres, comme l’aviron, le canoë-kayak et la plupart des sports de combat. Ils n’ont tout simplement pas le même financement que l’athlétisme, poursuit Steve Redgrave. La plupart des autres sports ne pourront pas suivre. Nous allons avoir un processus à deux vitesses. Pour moi, ce n’est pas la bonne direction. »
Le Britannique va plus loin. Il propose à World Athletics d’utiliser plutôt la cagnotte prévue pour les Jeux de Paris 2024 – 2,4 millions de dollars à partager entre les champions olympiques de toutes les disciplines – pour développer la pratique de base. Ou même, scénario peu crédible, à « aider d’autres sports olympiques à être au même niveau » de moyens et de ressources.
A ce jour la position très critique de Steve Redgrave est la première, et la seule, à montrer du doigt l’initiative de Sebastian Coe et ses conséquences dans le mouvement olympique. Depuis l’annonce d’un prize money aux Jeux de Paris 2024, le CIO s’est contenté de rappeler qu’il redistribuait depuis longtemps la quasi totalité de ses recettes aux athlètes et aux organisations, dont les comités nationaux olympiques et les fédérations internationales. Mais il n’a pas pris position contre l’idée de primes aux Jeux olympiques.
Les autres voix du mouvement sont restées silencieuses. Mais à SportAccord, la semaine passée à Birmingham, plusieurs dirigeants ont exprimé en coulisses leur surprise à l’annonce de World Athletics, et leur peu d’enthousiasme envers une telle initiative.
Précision : World Athletics a reçu la somme de 39,48 millions de dollars du CIO, après les Jeux de Tokyo 2020, au titre de la redistribution des recettes issues du marketing et des droits de télévision. World Rowing, l’instance mondiale de l’aviron, a touché moins de la moitié (17,31 millions de dollars), pour la même période d’une olympiade.