L’affaire a fait grand bruit. A moins de 100 jours des Jeux de Paris 2024, son écho pourrait bien résonner encore un bout de temps. Selon la chaîne allemande ARD et le quotidien américain New York Times, vingt-trois des meilleurs nageurs et nageuses chinois ont fait l’objet d’un contrôle antidopage positif lors d’une compétition organisée en janvier 2021 à Shijiazhuang, en Chine. Aucun n’a été suspendu, même à titre provisoire.
Les deux médias ont eu connaissance d’un rapport de l’agence chinoise antidopage (CHINADA), qui a fait suite à une enquête du ministère chinois de la Sécurité publique. La substance détectée serait le trimétazidine, un produit interdit depuis 2014, censé améliorer la circulation sanguine. Une molécule rendue très médiatique en février 2022, pendant les Jeux d’hiver de Pékin, pour avoir été retrouvée dans les analyses effectuées sur la patineuse russe Kamila Valieva.
Des cas de dopage dans la natation chinoise ? Jusque-là, rien de très nouveau. Mais l’affaire est rendue trouble, et franchement suspecte, par la chronologie des faits. Le rapport de la CHINADA a en effet été publié en mars 2021. Il n’a pas été rendu public. Quatre mois plus tard, treize des vingt-trois nageurs ont participé aux Jeux de Tokyo 2020, dont Wang Shun, médaillé d’or au 200 m quatre nages et d’argent au relais mixte, et Zhang Yufei (photo ci-dessus, au centre), quadruple médaillée à Tokyo, dont en or au 200 m papillon et au relais 4×200 m.
Selon ARD et le New York Times, l’Agence mondiale antidopage (AMA) était au courant de cette avalanche de cas positifs. La Fédération internationale de natation (World Aquatics) également. Mais les deux instances s’en sont tenues aux explications remises par les autorités chinoises, à savoir une contamination de masse à la suite d’un « approvisionnement alimentaire contaminé. »
Montrée du doigt tout au long du week-end pour sa passivité devant une telle affaire, et son absence de transparence, l’AMA s’est défendue en expliquant n’avoir retenu « aucun fondement » permettant de « contester l’explication de la contamination ». Elle met notamment en avant la faible quantité du produit dopant retrouvée dans les analyses des nageurs. Même son de cloche du côté de World Aquatics, prompte elle aussi à justifier son silence et sa clémence par une incapacité à contester la ligne de défense des autorités chinoises.
Convaincant ? Difficile de répondre. Mais une chose est sûre : les révélations des médias allemand et américain tombe à un mauvais moment pour l’AMA, à moins de 100 jours des Jeux de Paris 2024, au lendemain de la dixième édition de sa journée Franc Jeu. La succession de ses communiqués, envoyés tout au long du week-end, ne trompe pas : l’AMA a connu des jours meilleurs.
Le dernier en date, publié dimanche soir en heure nord-américaine, enfonce le clou. L’AMA explique avoir « examiné » le documentaire d’ARD, un exercice qui lui permet de « maintenir fermement les résultats de son enquête scientifique et sa décision juridique concernant l’affaire. » Elle répète que son département indépendant du renseignement et des enquêtes n’a pas trouvé de preuve qui aurait justifié d’aller plus loin. Et précise n’avoir eu aucun élément « pour contester les conclusions de l’Agence antidopage chinoise (CHINADA) concernant la contamination de l’environnement – une position qui a également été acceptée par World Aquatics. »
L’AMA annonce tenir ce lundi 22 avril une conférence de presse en ligne, où elle se présentera face aux médias en bon ordre et en bataillon serré, avec un casting d’intervenants comptant notamment son président Witold Bańka, son directeur général Olivier Niggli, son directeur du département scientifique et médical Olivier Rabin, et son directeur du renseignement et des enquêtes Günter Younger.
Hasard du calendrier : l’affaire intervient alors que les meilleurs nageurs chinois disputent depuis vendredi 19 avril les sélections olympiques à Shenzhen. Dans un tel contexte, leurs performances seront auscultées avec méfiance et suspicion.