Mais Michael Phelps a vite retrouvé ses réflexes de nageur, poussé plus fort sur les bras, mis les jambes et rentré la tête pour en remettre une couche. « En tant qu’athlètes, nous ne pouvons plus faire aveuglément confiance à l’Agence mondiale antidopage, qui ne cesse de prouver qu’elle est incapable ou peu désireuse d’appliquer ses politiques de manière cohérente dans le monde entier », a-t-il lancé devant la commission. Ouch.
Witold Banka, le président de l’AMA, était lui aussi invité à s’exprimer devant la commission du Congrès américain. Le Polonais n’a pas fait le voyage. Il a sûrement bien fait. Mais l’ancien spécialiste du 400 m, à la carrière sportive nettement moins prestigieuse que celle de Michael Phelps, n’est pas resté les bras ballants, encaissant les coups sans chercher à les rendre.
Witold Banka a répondu par écrit aux attaques américaines. Sa « déclaration », publiée en deux langues sur le site Internet de l’AMA, mérite la lecture. Elle rend coup pour coup. Et même un peu mieux.
« L’audience (devant le Congrès) visait à politiser davantage une affaire relativement simple de contamination de masse qui a été transformée en scandale par un petit nombre d’individus, principalement aux États-Unis, attaque Witold Banka (…). L’audience à Washington a été remplie du genre de rhétorique émotionnelle et politique qui fait les manchettes, mais qui ne fait rien de constructif pour renforcer le système antidopage mondial. La conférence, dirigée par Travis Tygart de l’Agence antidopage des États-Unis, portait sur le fait que les autres pays et l’AMA ne respectaient pas les règles. Compte tenu de ce que nous savons du système antidopage aux États-Unis, on ne peut s’empêcher de penser aux mots du politicien américain Adlai E. Stevenson : « Un hypocrite est le genre de politicien qui abattrait un séquoia, puis monterait sur la souche et ferait un discours pour la conservation. » Ouch.
La suite reste dans le même ton. Le président de l’AMA dégaine ses chiffres pour illustrer « l’hypocrisie » américaine en matière de dopage. « À ce jour, 90 % des sportifs aux États-Unis ne bénéficient pas des protections offertes par le Code mondiale antidopage parce que les principales ligues professionnelles et associations universitaires refusent d’être intégrées au système supervisé par l’USADA, pointe-t-il. Même les 10 % de sportifs restants aux États-Unis ne reçoivent pas le type de soutien qu’ils méritent, une réalité illustrée par le fait que 31 % des sportifs américains en vertu du Code n’ont pas été suffisamment contrôlés au cours de la période de 12 mois précédant les Jeux de Tokyo. »
Witold Banka poursuit : « En 2023, l’USADA a collecté 7.773 échantillons auprès de 3.011 sportifs, selon son propre rapport annuel. C’est un résultat assez décevant, compte tenu de la population du pays, du nombre élevé de sportifs et de la taille de leur équipe olympique. Avec un budget deux fois supérieur, l’USADA collecte moins de la moitié du nombre d’échantillons de son homologue allemand. L’ONAD française collecte également beaucoup plus d’échantillons que l’USADA avec un peu plus d’un tiers du budget. L’USADA a également collecté moins que les organisations nationales antidopage en Chine, en Russie, en Italie et en Grande-Bretagne, ainsi que trois fédérations sportives internationales. »
Enfin, le dirigeant polonais revient sur l’affaire du sprinteur américain Erriyon Knighton, lui aussi contrôlé positif, mais finalement non sanctionné, l’USADA ayant accepté sa ligne de défense, une contamination alimentaire. Erriyon Knighton, médaillé d’argent mondial l’an passé sur 200 m, a été blanchi. Il participe actuellement aux sélections américaines pour les Jeux de Paris 2024.
« Je ne peux m’empêcher de me demander ce que l’USADA dirait si cela avait impliqué un sportif de Chine », s’interroge Witold Banka dans sa déclaration écrite. Le Polonais connait la réponse. Il n’est pas le seul.